Défaut d’apparence mais parfums de qualité
L’Hasbeenité et son antithèse
Saison 2 – Épisode 33
Écouter le podcast sur les marques d’apparence Has Been :
Une présentation désuète : L’Ancien (en Matière Noire de Louis Vuitton) et Le Zen (en Paco de Paco Rabanne), font la lumière sur des marques qui ont l’air vieilles, voir has been, mais dont le catalogue cache de grands parfums, modernes, voir même intemporels.
Une marque de parfum porte son patrimoine comme un étendard. Mais parfois, faute de discours non maitrisés, l’historique dessert finalement l’image. On va s’atteler ici à démontrer qu’il faut passer outre les apparences, la plupart de ces marques produisant des parfums complètement modernes, ancrés dans l’air du temps.
L’Allure de Chanel
On en a parlé longuement dans l’épisode 28 de cette saison, après 100 ans de N°5, Chanel apparait has been face à la concurrence. Ceci dit, l’image de marque ne fait pas le catalogue et les productions sont parmi les plus belles de l’industrie, toutes marques confondues.
Face à ce délit, véritable hantise de toute marque de luxe, on présentera logiquement Allure Édition Blanche. Cet habile Oriental composé par Jacques Polge, lancé en 2008 comme flanker d’Allure (1999), est le symbole du parfum intemporel, qui continuera de régner sur les rayons Homme des parfumeries pendant très longtemps.
Allure Édition Blanche traverse les modes et assomme les tendances par sa superbe. Un ambré de cette trempe n’a que faire des shampoings et ne regarde même pas son petit Bleu, qui n’a jamais réussi à le détrôner. Né il y a 13 ans, il était déjà dans le futur.
Le Galion
Modernité en deux parfums
Le Galion fait partie de ces marques d’époque qui ont été rachetées et relancées dans la vague naissante de la parfumerie de Niche. Née en 1930, elle possède, à notre heure, un catalogue de parfums issus du patrimoine de Paul Vacher, parfumeur propriétaire jusqu’à sa mort en 1975.
C’est en 2014, après 35 ans de silence, que la marque renait. Outre donc les anciens parfums, l’enseigne présente des parfums neufs, dont Sang Bleu, un superbe Fougère à l’architecture Chyprée, créé en 2016.
Absolument beau, résolument moderne, Sang Bleu est un pont entre le passé d’une marque monument et le futur d’une parfumerie avant-gardiste. On ne peut que pousser à aller sentir cette fragrance, on le martèle depuis deux ans déjà, c’est du vrai parfum.
L’Âme Perdue
Très intelligemment, Le Galion joue sur la corde de son passé avec des images à la sauce vintage remixée. En incluant des fragrances ultra modernes et de grandes qualités au beau milieu de son répertoire, en reformulant certains classiques, la marque parvient à exploiter au mieux ce qui devient un défaut pour tant d’autres.
L’Âme Perdue entre dans cette politique parfaitement menée. Un Floral ultra épicé, composé d’une main de maître par Rodrigo Flores-Roux. Originalité, singularité, caractère et intemporalité, ce parfum s’approche de la catégorie chefs-d’œuvre.
Côté compo
Un accent unisex mais qui se présente à nous en se frottant au féminin, cette composition aux relents de Cognac est à la fois complexe et ultra séduisante. Lys Rouge, Jasmin, Rose, Vanille, Miel. Côté épices : Cannelle, Clou de Girofle ou encore Poivre Blanc. Un parfum monstre dont l’Ambre nous enveloppe, mêlé d’Encens, de Prune, Mirabelle, Ylang-ylang, Baumier du Pérou, Patchouli, Benjoin, Mousse de chêne et Palissandre. Ça n’en fini pas.
Le Galion vogue vers l’avenir
Cette marque est tout simplement l’une des plus belles marques de niche. Alors que de nombreuses enseignes ne font que surfer sur des tendances et des copies estampillées de noms ronflants, Le Galion prouve qu’elle est ce que doit être la parfumerie. On applaudit, forcément.
Caron
On en avait parlé dès le premier épisode de cette saison, Aimez-moi comme je suis est un parfum résolument moderne. On aime son côté prise de risque, Caron aurait très bien pu se laisser tenter à imiter les grands dans leur concours de shampoings.
Aimez-moi comme hier
Caron va donc de l’avant, en trainant son patrimoine comme un boulet. Malgré un légendaire Pour Un Homme ou encore un Tabac Blond monumental, Caron souffre de ne pas savoir en faire un avantage. Cette dernière sortie a donc l’effet d’un souffle d’air frais.
Diptyque
Un monde olfactif parallèle
Depuis les années 1960, Diptyque peut se vanter de ne produire que du beau. Autant en matière de design que d’odeurs. Alors que l’imagerie de la marque est extrêmement maitrisée, qu’elle joue sur un habillage général qui jongle avec les époques, elle n’échappe pas, dans l’imaginaire de certains, à une certaine connotation désuet qui lui fait défaut.
Pour une fois, il s’agit surtout de sa vision de la parfumerie. Non pas qu’elle sonne vieille, comme pourrait l’être un N°5 de Chanel, mais seulement qu’elle se compose en parallèle de la tendance. Pas d’égérie sexy, de clips rentre-dedant, et surtout, des jus très légers, qui diffusent peu.
34 boulevard Saint-Germain
Bien plus qu’une adresse, le 34 boulevard Saint-Germain est une boutique mythique, chère à la marque, devenue parfum pour la postérité. Figure de proue donc de l’enseigne, ce parfum a sa propre déclinaison en collection : bougies, du savon, ou encore une descendance de parfums inspirés par sa majesté lui rendent hommage. Le 34 est un monument de la parfumerie à sentir obligatoirement. Il est le parfum le plus actuel, peu importe l’époque qu’il affronte.
Découvrir la Collection du 34 sur le site officiel de Diptyque
Oriza L. Legrand
Un Cuir de l’Aigle Russe assassin
Oriza L. Legrand est une marque qui entretient son image vieillotte au possible, avec des flacons d’antan et même des formulations à l’ancienne. Fondée en 1720, rien que ça, les repreneurs ont tenu à garder intacte l’ambiance de la Maison de Fargeon Ainé.
Parmi les parfums, dans une boutique sortie tout droit de la petite maison dans la prairie, on trouve le superbe Cuir de l’Aigle Russe.
Puissance et sillage
Ce parfum insupporte pas mal de nez non-avertis, mais est une belle composition cuirée, puissante (toxique ?), au sillage mortel et singulier à souhait. Il reste, malgré un léger côté vieillot, d’actualité, particulièrement face aux grosses cylindrées orientales que pourrait lancer un Tom Ford enragé, tel que Tobacco Oud, par exemple.
Nicolaï
Ne vous fiez pas au logo maladroit, ni au seau mytho qui chevauche le flacon, Nicolaï propose de superbes parfums.
Depuis son mythique New York, la marque de Patricia de Nicolaï démontre un réel savoir faire. Son catalogue gonfle un peu plus chaque année, ne laissant apparaître que de belles choses.
Cuir Cuba Intense
Parmi ses références les plus surprenantes, l’opulent Cuir Cuba Intense. Un tabac qui nous ambiance comme une boite de cigarillos cubains qu’on vaporiserait sur nous. C’est une composition très aboutie, qui va loin dans l’excellence, au sillage chaud, tenace et ultra classe. À découvrir d’urgence !
Jacques Fath
D’hier à aujourd’hui
Maison de haute couture fondée en 1937, Jacques Fath a contribué à l’histoire du parfum avec son fameux Green Water, mais aussi, et surtout, avec l’immense Iris Gris.
Devenue l’ombre de ce qu’elle représentait à l’époque, la marque fait de la résistance en relançant son emblème sous le nom d’Iris de Fath.
Même si dans une Maison de Parfum tout est à découvrir, on est obligé de vous pousser vers cet iris, considéré d’ailleurs comme le plus bel iris de la parfumerie.
Une reformulation opérée par le jeune laboratoire Maelström, qui a parfaitement bossé.
L’Iris de Fath retrouve la vie, et même sa noblesse d’antan, puisqu’il est vendu à 1225€ ! Toute personne qui en a les moyens doit donc doter son placard de ce chef-d’œuvre.
Du côté de Grasse…
L’image face à l’efficacité
Fragonard
Musée, douilles grassoises et résistance
Difficile de parler de parfum sans en venir à Grasse. Difficile de parler de Grasse sans évoquer Fragonard. Marque emblématique de la région, elle prend sa part sur les flux de touristes niais autant que sur les passionnés de parfum. Son musée qui propose une visite stérile d’alambics et de cuves, de fleurs séchées sous vitres derrière un guide qui n’en peut plus de réciter sa chanson, surfe sur sa présence dans la capitale (française) de l’olfaction.
On peut aussi se faire faire (dans tous les sens du terme) en achetant un parfum composé pour soi-même, avec l’aide d’un parfumeur diseur de bonne aventure. Soit.
Côté parfums
Fragonard continue en tout cas à vendre du parfum, pas cher qui plus est, et à développer un répertoire intéressant. On pense par exemple à Rêve Indien, une petite fragrance à 40€ les 200ml (60 balles le 600ml !!!) qui fait plus que le taf.
Largement inspiré de Shalimar, ce parfum n’en garde pas moins son identité et promet de beaux sillages, très efficaces. Loin d’être un classique de la parfumerie, c’est quand même une belle composition qui mérite un détour de narine et qui démontre que l’enseigne grassoise ne lâche pas prise malgré la dureté du game.
Molinard
Une autre légende qui a 100 ans
De son côté, Molinard, autre marque indéboulonnable de Grasse, mise tout sur son parfum phare. Habanita, qui a tout juste 100 ans, comme le N°5 de Chanel, garde toute la force d’un parfum d’actualité. Un sillage puissant et sexy à souhait, une composition, Orientale, qui a été copiée par tout le monde, bref, un parfum dans l’air du temps.
En déclinant sa fragrance légendaire en Habanita La Cologne, la marque a fait le pari de moderniser encore un peu son parfum. Discontinué, puis reconduit récemment, cette version est une sublime réussite qu’il faut posséder à côté de l’original sur son étagère.
Molinard face au temps
Molinard, malgré son ancienneté, n’est autre qu’une marque en manque de moyen. Elle mise donc tout ce qu’elle a sur sa tête de gondole. L’imagerie autour du parfum est donc d’actualité, de belles affiches, respectant l’ADN du monument tout en s’efforçant de maintenir un réel sex-appeal, actuel.
Ce parfum traverse le temps comme aucun autre, il peut largement tenir encore un demi siècle, si Molinard maintient ses mises à jour en communication et en Marketing de manière générale. C’est une pièce majeure de la parfumerie qui demeure.
Robert Piguet
Reformuler le patrimoine
En faisant appel à Aurélien Guichard en 2007 pour reformuler deux de ses plus fameux parfums, Robert Piguet prenait un chemin vers une modernisation de la Maison. Reformuler des pièces maitresses de son patrimoine est bien sûr un pari très risqué, mais il faut savoir aussi se faire violence pour tenir la route.
Bandit et Fracas, les deux plus grands parfums de la Maison ne peuvent pas faire naviguer le bateau indéfiniment. Visa et Cravache ont donc été manipulés pour s’adapter, et l’opération a été un réel succès.
Au-delà des clichés d’époque
Visa, un magnifique Oriental Boisé, sucré à souhait, est à découvrir pour tout perfumista gourmand. Le combo de Pêche blanche, Poire, Feuille de violette, Fleur d’Oranger, Ylang-Ylang, Vanille, Benjoin, Patchouli, Cuir, Bois de santal…….. est impitoyable !
De son côté, le bon vieux Cravache se refait une jeunesse. Boisé Chypré archi efficace, chargé d’une masculinité exacerbée, ce parfum est composé de Petit-grain, Citron, Mandarine, Lavande, Noix de muscade, Sauge sclarée, Mousse de chêne, Vétiver et Patchouli. Une mixture scandaleuse qui ne laisse en aucun cas indifférent. À découvrir immédiatement.
Lubin cherche à faire peau neuve
Mais c’est une catastrophe !
En quête d’une imagerie sans doute moins vintage, Lubin nous a balancé une publicité ignoble pour le lancement de ses deux nouveaux parfums Anna et Eva. Flacons en forme d’urnes, graffities gribouillies et logo à se défenestrer, c’est très dur.
On le répète sans cesse, la parfumerie de Niche est une parfumerie de pauvre. Là, vraiment, on sent l’appel au secours. Le pire étant pour le parfum qu’on voulait citer comme exemple de modernité…
Akkad, l’Oriental somptueux
Cet parfum, de famille Orientale, composé par Delphine Thierry, est un must de la marque. Lubin qui présente le parfum dans ses flacons types, donne une touche qui parfait toute l’image de ce parfum, pour allerau-delà de la senteur. Mais le problème, comme pour de nombreuses marques, vient de la communication catastrophique.
Tout faire soi-même
Lorsqu’on a pas les moyens de rivaliser avec les grands, mieux vaut la fermer ! Parce que notre silence ne pourra pas jouer contre nous, surtout dans une cour où l’on sait qu’on ne peut pas jouer.
On vous laisse voir la vidéo sur la page officiel du parfum Akkad. C’est très dur à voir pour nous qui aimons réellement cette marque.
La com hurle sa souffrance à tous les étages. Pourquoi faire du kitsch en forme de vases alors qu’on a de beaux flacons qui surfent sur le vintage 80’s ?
Le flacon utilisé pour Akkad et bien d’autres parfums de Lubin, s’apparente visuellement à un Féminité du bois de Shiseido à son lancement, ou même d’un M7 d’Yves Saint Laurent, en 2002. Du rétro certes, mais du design.
Akkad de Lubin
Pour revenir au parfum, Akkad reste une réussite au sein de catalogue déjà superbe. Opulent, ambré à souhait, la composition est un vrai succès.
On pousse donc notre très chère communauté à se diriger vers Lubin, en faisant abstraction des défaut visuels, pour découvrir un vrai savoir-faire olfactif. Même si la com ne suit pas, la direction artistique est bien au rendez-vous.
Et vous, cette connotation has been vous a-t-elle déjà heurté ?
Lâchez un commentaire et faites profiter la communauté de votre expérience.
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Oups !
Je porte Akkad depuis longtemps, et je n’avais jamais vu la vidéo …
Mais nom d’un flacon, la video se finit après 35 sec, pourquoi la faire durer 4 min avec cette animation mal fichue ? (j’imagine qu’il s’agit de reflets sur le fleuve, le Tigre ou l’Euphrate je ne sais pas, mais c’est juste insupportable en effet).
Bon, sinon, en tant que fan de la marque Lubin (une des marques distribuées par la seule boutique de niche de ma ville), les flacons actuels ne me dérangent pas plus que ça et ne m’empêchent pas d’apprécier Nuits de Longchamp, Upper ten for her ou Black Jade. Même si je préfère le flacon d’Akkad ou, encore mieux, l’ancien flacon de Idole.
Et j’ai eu l’occasion, lors d’un passage à la boutique de Paris, de tester leur série Aristia : j’ai beaucoup aimé Condottiere et Daimo, un peu moins le prix.
Et j’ai cru comprendre que leur gamme en flacons carrés allait disparaître ? J’aurai assez peu de regrets, peut-être Itasca qui était un très beau vetiver.