Dépasser les clichés
Écouter le podcast sur les clichés en parfumerie :
Ni vendeurs de sex-shops ni bergers mal lavés
Saison 4 – Épisode 19
Une présentation très claire : Zaïd (en Plein jeu III-V de Filippo Sorcinelli), Djack (qui porte La Panthère Noir Absolu de Cartier), Le Zen (en M7 d’Yves Saint Laurent) et L’Ancien (en Io non ho mani che mi accarezzino il volto de Filippo Sorcinelli) se questionnent sur les clichés persistants autour de certaines matières comme l’Encens et le Oud, poussant certains critiques parfum au dérapage.
Donnez de la force à vos gars ! Il nous a fallu 16 espressos pour préparer cet épisode !
Tristesse
On grandit parfois avec des mauvaises fréquentations, mais il faut souvent du temps pour le comprendre. Les clichés qui hantent la parfumerie se ressentent à tous les niveaux et beaucoup d’entre ceux qui ont lutté pour changer certaines façons de penser, pour obtenir certaines libertés, se retrouvent eux-mêmes être de sombres bâtards.
Le Oud et l’Encens, nobles matières premières de l’Histoire du parfum — et de l’Histoire humaine — se voient affublés de jugements irrévérencieux pour des raisons parfois abstraites, et permettant de tout basculer sur ceux qui les portent au quotidien…
Clichés autour de l’Encens
L’Encens et la spiritualité
Utilisé depuis des millénaires par plusieurs communautés et religions, l’Encens souffre de connotations spirituelles de manières excessives. Dans la parfumerie moderne et occidentale, l’Encens est une note très rarement mise en avant dans les compositions de par son profil olfactif qui peut déranger le consommateur lambda.
Néanmoins, elle est plus présente dans les collections privées et la Niche. Les compositions qui mettent en lumière la matière, au niveau du discours, mais les connotations spirituelles demeurent.
L’intérêt de dépasser les clichés est de faire abstraction de ces connotations judéo-chrétienne ou autre, et apprécier le parfum pour ce qu’il est. En effet, l’Encens est aussi très utilisé en tant que parfum d’intérieur dans certaines communautés en dehors du culte.
L’exemple du Wousoulan au Mali, fréquemment utilisé dans les maisons lors de la tombée des pluies, ou encore le Thiouraye au Sénégal qui fait partie intégrante des armes de séduction des femmes.
L’Encens, une matière première comme les autres ?
On peut se poser réellement la question si l’Encens peut réellement sortir de cet étiquetage qui le poursuit. Des parfums comme Bohemian Soul d’Une Nuit Nomade, même si le titre de « bohème » garde une porte ouvert aux clichés, reste un parfum qui ne respire pas la spiritualité exacerbée. À l’inverse les œuvres de Filippo Sorcinelli maintiennent un lien fort avec l’Encens des églises si chères au cœur du parfumeur. Malgré tout, Quando Rapita in Estasi, pourtant du même auteur, s’éloigne du christianisme narratif pour illustrer un moment de folie de l’Opéra.
Faire abstraction des clichés restent une vraie difficulté psychologique qui s’ancre dans l’inconscient collectif. Des œillères invisibles qu’il est presque impossible de s’ôter. Mais qui jugera quelqu’un qui porte un parfum à l’Encens ?
Mais c’est lorsqu’on parle de Oud que les choses se corsent, là où les origines et les cultures s’entrechoquent…
Oud et stéréotypes
Bois des rois, Rois des Bois
Au vu de l’ignorance ambiante, et des moqueries nauséabondes de soi-disant connaisseurs, reprenons depuis le départ.
Qu’est-ce que le « Oud » ?
Le Oud provient de l’arbre Aquilaria, cet arbre millénaire issu de l’Asie du Sud-Est développe au sein de son tronc des concrétions résineuses. Elles se forment en réaction de défense aux infections de champignons de son milieu naturel. Ce bois chargé de concrétion exhale une odeur très puissante et singulière d’une complexité presque sans égale dans le règne végétal.
Ces copeaux chargés de résines sont taillés dans le tronc, tels des joyaux, et récupérés pour ensuite être brulés en fumigation ou distillés en huile.
De l’Orient à l’Occident
Bien que connu et usité depuis des siècles dans le monde Asiatique et Moyen-oriental, il fut oublié pendant longtemps de la civilisation occidentale. On estime pourtant qu’il y ait été introduit très tôt via les échanges commerciaux des marchands génois ou vénitiens.
On raconte que Louis XIV demandait à faire infuser ses vêtements dans des teintures de Oud, ou encore que Napoléon l’utilisât en fumigation pour purifier l’air.
L’usage de cette matière première à indéniablement un profond ancrage religieux et spirituel, on retrouve des mentions de celle-ci dans les textes fondateurs de l’hindouisme et dans la Bible, son usage est relaté dans des rituels Bouddhistes, dans l’embaumement de l’Égypte antique ou encore dans la cérémonie « Kodo » au Japon.
Le parfum qui embaumait autrefois de « Jericho à Jérusalem » voit donc beaucoup d’étiquettes qui lui sont apposées, et l’on remarque qu’il est parfois difficile de passer outre.
Bois de Oud.
Oud Aquilaria « l’Arlésien », à qui la faute ?
« Le Oud, le Oud, c’est comme la licorne, tout le monde en parle mais on ne l’a jamais vu »
Alberto Morillas
Ce bois très prisé, comme en témoigne l’offre pléthorique de citation de ce dernier dans les pyramides olfactives, storytellings et dossiers presses de ces dernières années. Ce nom de bois qu’on trouve estampillé partout en lettres capitales sur les flacons aurait-il le don d’ubiquité, ou bien serait-il devenu si omniprésent par d’habiles tour de passe-passe marketing ?
Pour resituer les choses dans le contexte de la parfumerie moderne en Occident, on peut mentionner le lancement de « M7 » de Yves Saint Laurent en 2002. Alberto Morillas et Jacques Cavallier signent, sous la direction artistique de Tom Ford, un parfum racé et signé, qui malgré l’absence de vrai matière Oud lui donne une belle place et marque donc d’une pierre blanche notre sujet et la famille des boisés du genre.
Ce parfum permet de conquérir un nouveau marché, le Moyen-Orient, et est tout de suite associé au luxe. Deux étiquettes de plus, sans cesse dans des cases dans lesquels on ressent le besoin de classer les matières et familles olfactives.
Matière de luxe
De 30 à 50 000 dollars le litre, l’essence de Oud est en effet une des matières les plus onéreuses de la parfumerie. Si sa valeur ne fait pas de doute, c’est plutôt l’opacité derrière son commerce et son appellation qui pose question. Tout d’abord à la source, les contrebandiers et autres margoulins n’hésitent pas à placer quelques bananes en vendant des kilos de concentrés coupés à l’huile de sésame. Par la suite, ce sont les marques de parfum que l’on connait bien, devenues plus expertes en enfumage que le plus pointu des apiculteurs, qui placardent « Oud » où bon leur semblent autour de leurs créations, en ayant seulement utilisé la quantité infinitésimale de quelques pm de ladite matière dans leur formule.
Oud et zones d’ombres
Il est évident que le dosage en matière d’une composition varie selon son intensité. Le souci se trouve dans le manque criant de transparence du milieu. Le peu d’informations concernant cette zone d’ombre parait bien chiche en comparaison au matraquage du discours commerciale des parfums concernés post 2000. La véritable vérité vraie c’est que l’écrasante majorité des créations estampillées « Oud » qui pullulent dans la niche et dans le privé n’en contiennent même pas une goutte, ni même un accord digne d’intérêt de parfumeur qui tenterait de rendre hommage à la matière en s’en approchant. Rien de tout ça, plutôt une ribambelle de santals costauds ou de bois ambrés qui piquent.
Discours clair-obscurs
On se retrouve avec une fabuleuse matière première riche de par la variété de ses facettes et différentes provenances, et d’autant plus riche de culture et d’histoire millénaire, entièrement dévoyée par les nombreuses étiquettes qui l’entoure. Celle-ci, totalement inconnue de la majorité du public occidental, est donc perçue avec une loupe malheureusement empreinte d’orientalisme. En grossissant à peine le trait, tantôt comme un bois parfumé de riche prince arabe en ghutrah, tantôt comme un parfum animal et vulgaire apposé sur les étals d’un souk.
Les lignes sombres…
En étant fan des articles de Dominique Archambeau dit « La Recherche », fine plume du site AtRecherche.bolgspot.com, critique parfum émérite, je n’avais pas vu venir la glissade. Dominique est à mon sens le tout meilleur critique du game. Son positionnement dans sa lecture de la parfumerie, le parti qu’il s’impose de prendre dans ses jugements, font de lui un mix du juste milieu, de l’intransigeance et de la culture parfum.
Malheureusement, son article « Oud, Guerlain » laisse entrevoir des éléments très gênants. Du racisme à peine voilé qui commence par un questionnement d’où s’ensuit une suggestion très étonnante :
« mais qui sont ces gens qui portent du oud ? » j’ai peut-être un élément de réponse : la seule personne sur qui j’ai pu sentir du oud était un vendeur de sex-shop.
Une interrogation très dérangeante venant d’un homme de parfum, on se demande s’il est déjà sorti de chez lui, s’il a voyagé dans sa vie, s’il a même déjà ouvert un livre sur la parfumerie ?
Il peut bien sûr ne pas aimer le Oud, ils sont nombreux à ne pas le supporter d’ailleurs, qui le blâmerait ? Mais de là à dénigrer de la sorte ceux qui s’en parent, c’est compliqué.
Il répondra finalement lui-même en appuyant son propos un peu plus, lorsqu’il s’interroge sur les trois Ouds de Guerlain :
« vendons du oud » (aux vendeurs de sex shop ?)
De merdique à gênant…
Dominique, à travers les commentaires qui suivent l’article, essaie d’échapper aux effets de ses propos. Il doit faire affaire aux propos les plus racistes et doit slalomer pour s’en sortir. Il « comprend » mais indique bien à Topaze, très chère participante de notre groupe Discord, qu’il ne se censurera pas pour autant.
L’homme de bon goût se roule ainsi dans la merde et se fourvoie. On est donc censé accepter que les maghrébines n’ont qu’à aller « dans leur boutiques-bazar-épicerie », car explique Gabrielle Dlr (dont on dit en nous trompant dans l’épisode que le commentaire est anonyme), « il y en a… 😀 ». Et bien très chère Gabrielle, très chers autres commentateurs maudits de cet article malsain, sachez que ces huiles de « muscs » vendues dans ces fameux bazars n’ont rien n’à voir avec du Oud. Il s’agit de fioles à 5€ remplies de Bois Ambrés pour donner des airs de.
Quand on n’y connait rien on ferme sa putain de gueule.
Désillusion, décrédilisation.
Comme dit plus haut, on est très déçu de lire ce genre de lignes. Dominique nous a habitué, même entre ses provocations parfois limites, à d’excellents articles, des critiques éclairées. On est ici face à un doute. Que connait-il du parfum pour en venir à dénigrer de cette façon une matière ancestrale ? Pourquoi s’en prendre à ceux qui la portent ?
Les civilisations qui ont porté du Oud sont millénaires, elles n’évoqueraient même pas celle dans laquelle Dominique a ses pieds à ce jour.
On est toujours devant un constat simple : La civilisation occidentale blanche se doit toujours de donner la leçon aux autres, en regardant de haut ceux qui ont la patience de lui laisser la parole. Comme si rien n’avait eu lieu avant trois Ouds (de merde) signés Guerlain.
Guerlain-Est
Et puis toutes ces grimaces littéraires finalement ne font elles pas bon ménage avec certains propos de ce fils de pute de Jean-Paul Guerlain ? Est-ce pour ça que Dominique se décomplexe en disant que « si on revient chez Guerlain… C’est pas pour du oud » ? Comme si vendre du Oud était rabaissant pour une marque comme celle-ci… Comme si la maudite clientèle du Oud n’était pas digne de porter du Guerlain… Les civilisations non-blanche se marrent en vous pissant à la raie.
Tristesse
On grandit parfois avec des mauvaises fréquentations, mais il faut souvent du temps pour le comprendre. Les clichés qui hantent la parfumerie se ressentent à tous les niveaux et beaucoup d’entre ceux qui ont lutté pour changer certaines façons de penser, pour obtenir certaines libertés, se retrouvent eux-mêmes être de sombres bâtards.
Le Oud et l’Encens, nobles matières premières de l’Histoire du parfum — et de l’Histoire humaine — se voient affublés de jugements irrévérencieux pour des raisons parfois abstraites, et permettant de tout basculer sur ceux qui les portent au quotidien…
Clichés autour de l’Encens
L’Encens et la spiritualité
Utilisé depuis des millénaires par plusieurs communautés et religions, l’Encens souffre de connotations spirituelles de manières excessives. Dans la parfumerie moderne et occidentale, l’Encens est une note très rarement mise en avant dans les compositions de par son profil olfactif qui peut déranger le consommateur lambda.
Néanmoins, elle est plus présente dans les collections privées et la Niche. Les compositions qui mettent en lumière la matière, au niveau du discours, mais les connotations spirituelles demeurent.
L’intérêt de dépasser les clichés est de faire abstraction de ces connotations judéo-chrétienne ou autre, et apprécier le parfum pour ce qu’il est. En effet, l’Encens est aussi très utilisé en tant que parfum d’intérieur dans certaines communautés en dehors du culte.
L’exemple du Wousoulan au Mali, fréquemment utilisé dans les maisons lors de la tombée des pluies, ou encore le Thiouraye au Sénégal qui fait partie intégrante des armes de séduction des femmes.
L’Encens, une matière première comme les autres ?
On peut se poser réellement la question si l’Encens peut réellement sortir de cet étiquetage qui le poursuit. Des parfums comme Bohemian Soul d’Une Nuit Nomade, même si le titre de « bohème » garde une porte ouvert aux clichés, reste un parfum qui ne respire pas la spiritualité exacerbée. À l’inverse les œuvres de Filippo Sorcinelli maintiennent un lien fort avec l’Encens des églises si chères au cœur du parfumeur. Malgré tout, Quando Rapita in Estasi, pourtant du même auteur, s’éloigne du christianisme narratif pour illustrer un moment de folie de l’Opéra.
Faire abstraction des clichés restent une vraie difficulté psychologique qui s’ancre dans l’inconscient collectif. Des œillères invisibles qu’il est presque impossible de s’ôter. Mais qui jugera quelqu’un qui porte un parfum à l’Encens ?
Mais c’est lorsqu’on parle de Oud que les choses se corsent, là où les origines et les cultures s’entrechoquent…
Bois des rois, Rois des Bois
Au vu de l’ignorance ambiante, et des moqueries nauséabondes de soi-disant connaisseurs, reprenons depuis le départ.
Qu’est-ce que le « Oud » ?
Le Oud provient de l’arbre Aquilaria, cet arbre millénaire issu de l’Asie du Sud-Est développe au sein de son tronc des concrétions résineuses. Elles se forment en réaction de défense aux infections de champignons de son milieu naturel. Ce bois chargé de concrétion exhale une odeur très puissante et singulière d’une complexité presque sans égale dans le règne végétal.
Ces copeaux chargés de résines sont taillés dans le tronc, tels des joyaux, et récupérés pour ensuite être brulés en fumigation ou distillés en huile.
De l’Orient à l’Occident
Bien que connu et usité depuis des siècles dans le monde Asiatique et Moyen-oriental, il fut oublié pendant longtemps de la civilisation occidentale. On estime pourtant qu’il y ait été introduit très tôt via les échanges commerciaux des marchands génois ou vénitiens.
On raconte que Louis XIV demandait à faire infuser ses vêtements dans des teintures de Oud, ou encore que Napoléon l’utilisât en fumigation pour purifier l’air.
L’usage de cette matière première à indéniablement un profond ancrage religieux et spirituel, on retrouve des mentions de celle-ci dans les textes fondateurs de l’hindouisme et dans la Bible, son usage est relaté dans des rituels Bouddhistes, dans l’embaumement de l’Égypte antique ou encore dans la cérémonie « Kodo » au Japon.
Le parfum qui embaumait autrefois de « Jericho à Jérusalem » voit donc beaucoup d’étiquettes qui lui sont apposées, et l’on remarque qu’il est parfois difficile de passer outre.
Oud Aquilaria « l’Arlésien », à qui la faute ?
« Le Oud, le Oud, c’est comme la licorne, tout le monde en parle mais on ne l’a jamais vu »
Alberto Morillas
Ce bois très prisé, comme en témoigne l’offre pléthorique de citation de ce dernier dans les pyramides olfactives, storytellings et dossiers presses de ces dernières années. Ce nom de bois qu’on trouve estampillé partout en lettres capitales sur les flacons aurait-il le don d’ubiquité, ou bien serait-il devenu si omniprésent par d’habiles tour de passe-passe marketing ?
Pour resituer les choses dans le contexte de la parfumerie moderne en Occident, on peut mentionner le lancement de « M7 » de Yves Saint Laurent en 2002. Alberto Morillas et Jacques Cavallier signent, sous la direction artistique de Tom Ford, un parfum racé et signé, qui malgré l’absence de vrai matière Oud lui donne une belle place et marque donc d’une pierre blanche notre sujet et la famille des boisés du genre.
Ce parfum permet de conquérir un nouveau marché, le Moyen-Orient, et est tout de suite associé au luxe. Deux étiquettes de plus, sans cesse dans des cases dans lesquels on ressent le besoin de classer les matières et familles olfactives.
Matière de luxe
De 30 à 50 000 dollars le litre, l’essence de Oud est en effet une des matières les plus onéreuses de la parfumerie. Si sa valeur ne fait pas de doute, c’est plutôt l’opacité derrière son commerce et son appellation qui pose question. Tout d’abord à la source, les contrebandiers et autres margoulins n’hésitent pas à placer quelques bananes en vendant des kilos de concentrés coupés à l’huile de sésame. Par la suite, ce sont les marques de parfum que l’on connait bien, devenues plus expertes en enfumage que le plus pointu des apiculteurs, qui placardent « Oud » où bon leur semblent autour de leurs créations, en ayant seulement utilisé la quantité infinitésimale de quelques pm de ladite matière dans leur formule.
Oud et zones d’ombres
Il est évident que le dosage en matière d’une composition varie selon son intensité. Le souci se trouve dans le manque criant de transparence du milieu. Le peu d’informations concernant cette zone d’ombre parait bien chiche en comparaison au matraquage du discours commerciale des parfums concernés post 2000. La véritable vérité vraie c’est que l’écrasante majorité des créations estampillées « Oud » qui pullulent dans la niche et dans le privé n’en contiennent même pas une goutte, ni même un accord digne d’intérêt de parfumeur qui tenterait de rendre hommage à la matière en s’en approchant. Rien de tout ça, plutôt une ribambelle de santals costauds ou de bois ambrés qui piquent.
Discours clair-obscurs
On se retrouve avec une fabuleuse matière première riche de par la variété de ses facettes et différentes provenances, et d’autant plus riche de culture et d’histoire millénaire, entièrement dévoyée par les nombreuses étiquettes qui l’entoure. Celle-ci, totalement inconnue de la majorité du public occidental, est donc perçue avec une loupe malheureusement empreinte d’orientalisme. En grossissant à peine le trait, tantôt comme un bois parfumé de riche prince arabe en ghutrah, tantôt comme un parfum animal et vulgaire apposé sur les étals d’un souk.
Les lignes sombres…
En étant fan des articles de Dominique Archambeau dit « La Recherche », fine plume du site AtRecherche.bolgspot.com, critique parfum émérite, je n’avais pas vu venir la glissade. Dominique est à mon sens le tout meilleur critique du game. Son positionnement dans sa lecture de la parfumerie, le parti qu’il s’impose de prendre dans ses jugements, font de lui un mix du juste milieu, de l’intransigeance et de la culture parfum.
Malheureusement, son article « Oud, Guerlain » laisse entrevoir des éléments très gênants. Du racisme à peine voilé qui commence par un questionnement d’où s’ensuit une suggestion très étonnante :
« mais qui sont ces gens qui portent du oud ? » j’ai peut-être un élément de réponse : la seule personne sur qui j’ai pu sentir du oud était un vendeur de sex-shop.
Une interrogation très dérangeante venant d’un homme de parfum, on se demande s’il est déjà sorti de chez lui, s’il a voyagé dans sa vie, s’il a même déjà ouvert un livre sur la parfumerie ?
Il peut bien sûr ne pas aimer le Oud, ils sont nombreux à ne pas le supporter d’ailleurs, qui le blâmerait ? Mais de là à dénigrer de la sorte ceux qui s’en parent, c’est compliqué.
Il répondra finalement lui-même en appuyant son propos un peu plus, lorsqu’il s’interroge sur les trois Ouds de Guerlain :
« vendons du oud » (aux vendeurs de sex shop ?)
De merdique à gênant…
Dominique, à travers les commentaires qui suivent l’article, essaie d’échapper aux effets de ses propos. Il doit faire affaire aux propos les plus racistes et doit slalomer pour s’en sortir. Il « comprend » mais indique bien à Topaze, très chère participante de notre groupe Discord, qu’il ne se censurera pas pour autant.
L’homme de bon goût se roule ainsi dans la merde et se fourvoie. On est donc censé accepter que les maghrébines n’ont qu’à aller « dans leur boutiques-bazar-épicerie », car explique Gabrielle Dlr (dont on dit en nous trompant dans l’épisode que le commentaire est anonyme), « il y en a… 😀 ». Et bien très chère Gabrielle, très chers autres commentateurs maudits de cet article malsain, sachez que ces huiles de « muscs » vendues dans ces fameux bazars n’ont rien n’à voir avec du Oud. Il s’agit de fioles à 5€ remplies de Bois Ambrés pour donner des airs de.
Quand on n’y connait rien on ferme sa putain de gueule.
Désillusion, décrédilisation.
Comme dit plus haut, on est très déçu de lire ce genre de lignes. Dominique nous a habitué, même entre ses provocations parfois limites, à d’excellents articles, des critiques éclairées. On est ici face à un doute. Que connait-il du parfum pour en venir à dénigrer de cette façon une matière ancestrale ? Pourquoi s’en prendre à ceux qui la portent ?
Les civilisations qui ont porté du Oud sont millénaires, elles n’évoqueraient même pas celle dans laquelle Dominique a ses pieds à ce jour.
On est toujours devant un constat simple : La civilisation occidentale blanche se doit toujours de donner la leçon aux autres, en regardant de haut ceux qui ont la patience de lui laisser la parole. Comme si rien n’avait eu lieu avant trois Ouds (de merde) signés Guerlain.
Guerlain-Est
Et puis toutes ces grimaces littéraires finalement ne font elles pas bon ménage avec certains propos de ce fils de pute de Jean-Paul Guerlain ? Est-ce pour ça que Dominique se décomplexe en disant que « si on revient chez Guerlain… C’est pas pour du oud » ? Comme si vendre du Oud était rabaissant pour une marque comme celle-ci… Comme si la maudite clientèle du Oud n’était pas digne de porter du Guerlain… Les civilisations non-blanche se marrent en vous pissant à la raie.
Les auteurs :
Much
Auteur
Le jeune Much, Benjamin de l’équipe ne cesse de chercher fragrance à son nez comme l’on cherche fusil pour aiguiser son couteau, mu par la fascination pour la diversité des couleurs, goûts et senteurs mis à disposition des Hommes. »
La Panthère
Auteur / Animateur
La Panthère sort de sa faune après y avoir passé toute sa vie. Armée de ses griffes, elle combat tout ce qui peut nuire à la perception du parfum par le consommateur. Telle est sa satisfaction ultime.
L’Ancien
Auteur / Animateur
Il est la voix lugubre de ce podcast, grande gueule qui aime à secouer l’industrie du parfum. Sur ces notes trempées à l’encre noire, on peut distinguer des listes de victimes enterrées de Paris à Oman. L’Ancien est celui que tu aimes détester, c’est cette note de cœur qui te dérange mais qui rend la composition si singulière.
Et vous, les clichés autour du Oud ou l’Encens vous en dites quoi ?
Balancez-nous vos légendes !
11 Commentaires
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La Parfumerie, La Saison 4 du Podcast Parfum
Tous les épisodes :
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Nez la revue et Auparfum.com ont joué un rôle essentiel pour diffuser la culture olfactive et la critique parfum, il fallait qu’on en parle !
Pour une contre-culture
Pas de culture sans contre-culture. C’est du moins la résistance au parfum industriel qu’on souhaite installer, une réflexion pour poser les bases.
Le phénomène Baccarat Rouge
Baccarat Rouge de Maison Francis Kurkdjian est le phénomène de rue qui a fait suite à Bois d’Argent, on décrypte la légende objectivement…
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Rupture en parfumerie ? Fame, produit robotique de Paco Rabanne, s’oppose au peu de créativité de la résistance en Niche, où en est-on ?
État des lieux de la critique parfum
Critique parfum, un état des lieux avec Clément Paradis. Suite à son article « Sens Critique » dans Nez #14, on prolonge la discussion…
Ça va Malle ?
Uncut Gem de Frédéric Malle a marqué la mort de la parfumerie de Niche par l’un des meilleurs pionniers, un passage vers une autre vision du parfum…
Les liquoreux
Les parfums liquoreux nous transcendent depuis nos débuts dans le monde du parfum, on se devait d’en parler, de publier une liste à sentir !
Anatole Lebreton, parfumeur libre
Anatole Lebreton est un parfumeur libre, on le sent dans ses formules, dans l’âme de ses parfums, puis dans son discours en interview…
The Night
The Night de Frédéric Malle a marqué la parfumerie, on se devait d’analyser tout ce qui entoure sa légende, olfactivement, socialement…
Gallivant, from London
Gallivant c’est la petite marque qui ne parle pas mais qui produit du vrai parfum, portable et archi bien foutu, sans prétention ni complexe.
Les points sur les « i »
Il fallait qu’on règle quelques comptes, qu’on replace certaines choses, dont l’olfaction et le vrai parfum, au centre du débat…
C’est vraiment très intelligent de votre part d’écrire un historique du oud, bravo.
J’avais lu la critique de Archambault et le 1er commentaire qui l’avait suivie en me disant qu’il avait vraiment écrit des conneries (comme quoi même les meilleurs…). Sa posture précieux hors de temps est souvent rigolote, mais là c’était effectivement raciste et indigne de son intelligence.
Vous feriez un article sur les beaux parfums avec du oud? Ce serait intéressant et constructif.
On y réfléchit depuis un moment, mais ça demande une démarche assez compliqué pour nous et hors de nos habitudes. Donc c’est vraiment en réflexion, ça prendra juste un peu de temps je pense.
Même en faisant « juste » une liste un peu informelle, du type de vos classiques perso, avec trois mots de commentaires ce serait chouette.
On sera patient-es, quoi qu’il en soit 🙂
Très bon article. 👍👍👍👍
Je viens d’écouter votre podcast, après quoi, j’ai jeté un oeil sur l’article » Oud de Guerlain » de D……
Effectivement, on atteint des sommets .
» L’instruction n’est malheureusement pas un rempart infaillible contre la connerie « , ce n’est pas de moi mais de Jean-François Marmion, psychologue et écrivain qui s’est un temps penché sur l’étude ( tout à fait sérieusement ) de la connerie humaine….
Pour en revenir aux parfums proprement dit, je rejoins Marie-Pierre , une petite liste sympathique de quelques références à base de Oud qui méritent le détour………Merci d’avoir pitié pour nos portefeuilles en ne nous laissant pas dépenser notre argent » connement ».
On va voir ce qu’on peut faire, ne serait-ce en commentaire…
J’ai lu l’article c’est très bizarre comme les narines de l’auteur deviennent si sensibles quand il s’agit de oud comme si il n’avait jamais sentit de civette ou de castoreum donc les histoires de sex shop ou de berger je sais pas quoi c’est très douteux.
Comme tu l’as bien dis le oud est une matière point et si t’aimes pas t’en mets pas et puis c’est tout.
En anglais, la blogueuse et amatrice éclairée Claire Vukcevic s’est attelée à tester les attars de oud.
Il s’agit donc de la parfumerie huileuse, issues des marques et des artisans les plus côtés. Il s’agit d’ouds naturels.
Même moi je temporise pour tout lire, mais vous pouvez y aller en toute confiance.
Je ne suis pas très oud. Toutes ces marques ne me disent rien. Néanmoins même son article d’introduction sur la matière est très bien fait. (Par ailleurs, son article sur l’ambregris est le plus rigoureux que j’ai jamais croisé).
Je pense qu’elle s’est lancée ce défis pour contrer une perte d’intérêt pour la parfumerie mainstream et de niche. (Nombres d’entre nous ont eu un passage à vide à cause de la déferlante de fausse marques de niche autour de 2015-2000, et du découragement devant des beaux parfums créés récemment et qui disparaissaient quand même).
Je ne suis pas très oud. J’ai quelques composions avec du vrai oud dans ma collection, comme « Tribute » d’Amouage. Je trouve que c’est une somme de travail gigantesque, que de tester tous ces attars, car la diffusion est plus lente, et grosso modo on ne peut en tester qu’un par jour quand on est consciencieux.
Claire, c’est une licorne : 1° elle a toujours été éthique dans sa façon de critiquer (transparente), 2° elle a une expérience très poussée comme nous de la parfumerie alcoolique en tant que passionnée (mainstream et niche), 3° elle a une belle façon d’écrire, y compris avec de l’humour, 4° tout est gratuit son blog, un peu à la façon d’une pré-publication de ses livres. Ses avis sur Basenotes sont également toujours intéressant (c’est « ClaireV »).
https://takeonethingoff.com/about-me/
J’ai fait une liste de parfums oud à découvrir, ils sont assez chers mais pour certains ils sont accessibles en échantillons. Arabian Oud a des boutiques en Europe. Hind al Oud et Abdul Samad al Qurashi sont pas faciles à trouver. Bortnikoff et Areej sont trouvables que sur le net j’ai l’impression.
Parfums au oud accessibles (olfactivement):
Arabian Oud – Andalusi.
Arabian Oud – Oud Maliki
Abdul Samad al Qurashi – Qurashi Blend
Hind al Oud – Emarati Oud
Bortnikoff – Triad
Oud Intermédiaires:
Bortnikoff – Oud Maximus
Areej le doré – Ottoman Empire
Oud violents:
Areej le doré – Beauty and the beast
Bortnikoff – Lao Oud
Bortnikoff – Mysterious Oud
@Iskander
J’ai un problème avec Areej le Doré (son nom hein aussi, mais c’est moins important ): ce côté on est des Happy Few, je suis votre guru, les autres ne savent pas vraiment ce qu’est le oud/le santal/le musc/le xyz, moi je vais vous montrer. Je fais des parfums à 500 dollars le ml ou presque (Ceux qui Savent ont du pognon, vraisemblablement ).
Et il me semble qu’on peut faire actuellement de très jolis parfums sans aller braconner en Sibérie ou à la frontière chinoise pour cureter les fondements d’un brave chevrotin qui n’avait rien demandé.
Bortnikoff – Lao Oud
Bortnikoff – Mysterious Oud
Sont violent? mouai bof legère ponte de oud light avec du cacao pour lao oud et mysterious oud c’est plus des épices que du oud
Je les ai revendu car trop light