Industrie du Parfum : la créativité, pour quoi faire ?
Pourquoi créer puisque ça glisse ?
Saison 2 – Épisode 42
Écouter le podcast sur la créativité dans l’industrie de parfum :
Une présentation ras les paquerettes : L’Ancien (qui porte Le Lion de Chanel) et Le Zen (en Bois d’Argent de Christian Dior), continuent leur série sur l’état actuel de l’industrie du parfum, en parlant du rapport créativité / productivité. Un dernier épisode de la Saison 2, très cru.
Donnez de la force à vos gars ! Il nous a fallu plus de 13 cafés pour réaliser l’ensemble de cet épisode !
Produire sans créer, le quotidien de l’industrie du parfum
À l’image de l’industrie musicale, l’industrie du parfum produit une soupe que les médias qui lui sont affiliés enjolivent. En couvrant les produits d’éloges, en prolongeant le discours vendeur et mensonger des marques, on renforce la croyance que l’on a affaire à des produits de qualité. L’acculturation olfactive profite aux grands groupes, la masse signe en bas de la feuille et sort sa carte bleue, pourquoi changer ?
Parfums en gros
L’industriel… comme partout
L’autre industrie à laquelle on peut identifier celle du parfum, c’est l’agro-alimentaire. L’alimentation de masse étant ce qu’il y a de pire malgré des labels de normes par dizaines. Pour le parfum, c’est même chose, on valide à gauche à droite dans les médias alignés ce qui n’est autre que des compositions pour tout le monde. Ni qualité des matières, ni créativité, ni rien. Les petis plats dans les grands pour faire croire à des lancements incroyables.
On mise sur l’ignorance
C’est là que notre absence de culture sert les plus malins. Lorsqu’on ne connait rien en parfum, on a juste à nous dire que c’est incroyable. La descente au fond du trou depuis Bleu de Chanel (et même avant) ne s’est faite qu’avec notre accord. À l’heure d’aujourd’hui, on ne peut plus rien pour nous, sauf s’il l’on se prend en main nous-mêmes.
Le rôle des médias et des critiques
Les médias qui relaient toutes ces infos tronquées se divisent bien sûr en de nombreuses catégories. Les réseaux sociaux sont devenus le point d’orgue mais les Youtubeurs et autres critiques du parfum participent activement à la supercherie. Parmi eux, des passionnés qui se font avoir par le discours ou par l’aura des marques, d’autres sont juste corrompus et parlent « au chapeau ».
Il y a donc ceux qui ne disent pas la vérité, et ceux qui croient la dire. Des imbéciles qui ne peuvent décrypter le contexte de l’industrie du parfum ne pourront jamais juger un lancement comme il se doit. Certains parfums qui représentent une rupture se retrouvent jugés comme étant bizarres ou juste sympas. Sans oublier que la plupart des critiques se visionnent les uns les autres et finissent par répéter ce que l’autre a dit. La médiocrité en boucle.
Mémoire d’une Odeur de Gucci
C’est comme ça que beaucoup ont acceuilli Mémoire d’une Odeur de Gucci. Comme expliqué par son créateur Alberto Morillas dans notre interview, la vision de la direction était très précise et elle ne voulait pas entendre parler d’autre chose. Un parti pris très clair et un risque évident au vu de la tendance actuelle de parfumerie féminine.
Un parfum qui, au cœur des linéaires empoisonnés, semble difficile à appréhender, loin des sucrailles dont on gave les jeunes filles. Alberto Morillas, spécialiste des blockbusters de la parfumerie Mainstream, s’exécute et produit une œuvre majeure de la décénie, voir plus.
Game Changer ?
Mémoire d’une Odeur sera-t-il un Game Changer ? Dur à dire. Ce qui est sûr c’est qu’il a secoué le game malgré tout et peut-être fait connaître au public du monde entier ce qu’est un vrai parfum.
Parti sur une Camomille, qui pouvait s’attendre à ça d’une marque au top de la Hype fashion ? On a donc vu quelques éloges en matières de critiques, mais beaucoup trop de « ouais pas mal », ou même de « bof »… Ajoutons à cela qu’on a vite compris que Morillas, en tant que faiseur de missiles crossovers, n’attire pas l’amour de certains passionnés tribaux. Disons-le clairement, si Mathilde Laurent avait réalisé Mémoire d’une Odeur, on aurait eu une avalanche d’éloges sur certains sites spécialisés, au lieu d’ « articles obligés ». Ce sont ces mêmes gens qui se disent impartiaux dans leurs jugements, mais qui se hâtent à chaque fois de ne faire de courbettes qu’à leurs ami.e.s.
Toujours en marge : Cartier
Et puisqu’on en parle, Mathilde Laurent et Cartier restent sur leur nuage. À l’image de ses produits d’avant comme ses plus récents, l’enseigne de luxe propose une parfumerie qui ne cesse de produire du mainstream de qualité et des références en sélectif clairement au dessus du lot.
La Panthère comme blockbuster, la Maison est en démonstration à chaque lancement. L’Envol, est un autre exemple de parfum qui refuse les compromis de la tendance. Chez Cartier on fait du vrai parfum, pas de la soupe.
La Créativité perchée au sommet de l’industrie du parfum
Cartier ne s’encombre pas avec les discussions sur la mode olfactive, la marque enchaine les réussites. On est dans la parfumerie à l’ancienne, on propose le top de la créativité. Et même si parfois on redemande un peu de caractère, on est servi par la technique et la beauté des parfums.
Le futur semble aussi brillant que le passé, on l’espère en tout cas. On est au devant d’une Maison qui se respecte et qui respecte les acheteurs, qui sert les esthètes et les perfumistas.
Ce qu’il manque maintenant c’est la compréhension du public. Au lieu de lire des « Sauvage c’est la base », on doit pousser l’éducation au maximum pour que la culture prenne enfin en France.
Et cette fameuse Niche ?
La parfumerie de Niche, fameux marché parallèle du parfum, propose-t-elle encore une alternative ? Si des marques comme IUNX d’Olivia Giacobetti, qui semble d’ailleurs avoir fermé ses portes pour de bon, proposant créativité, technique et ce qui relève de l’Art olfactif, nous viennent forcément à l’esprit en matière d’excellence, on s’inquiète pour les marques des grands groupes qui semblent s’essouffler.
Frédéric Malle, Serge Lutens, l’Artisan Parfumeur…
Car si Frédéric Malle et Serge Lutens restent des références incontournables de la parfumerie de Niche, on en est à se poser quelques questions sur le vide actuel. Lutens sort des parfums, non sans intérêts, mais loin de ce que représentait la marque. De son côté, depuis la célébration de ses 20 ans avec des flacons édition limitée dont on se bat royalement les couilles, Frédéric Malle n’a pas sorti de nouveau parfum, même si ça semble enfin imminent. On verra de quoi il en ressort. Un nouveau missile parfumé ? On l’espère et on en a besoin.
Il se peut bien sûr, pour Malle, que l’on ne soit pas pressé et le catalogue actuel, il faut le dire, est déjà bien garni. Ceci dit, si l’on prend l’exemple de l’Artisan Parfumeur, qui appartient à PUIG, on sent une parfumerie beaucoup moins rentre dedans qu’à l’époque. Même si la qualité est clairement au rendez-vous, les Timbuktu, les Dzing! ou les Piment Brûlant ne trouve pas de successeurs.
On espère voir surgir de grandes choses de la part de ces Maisons qui nous ont toujours gâtés. Le futur nous dira bientôt ce qu’il se trame. On reste de toute façon loin devant les minus de la Niche.
La Niche est-elle encore Niche ?
On en est à se poser la question ! Lorsqu’on jette un œil aux indépendants, eux qui propulsaient des OVNI à chaque lancement quasiment, ils se noient aujourd’hui dans la stérilité. Car même si de belles marques sont toujours au sommet, comme c’est le cas pour Parfum d’Empire ou Diptyque, les petits suiveurs qui prétendent avoir inventé l’eau chaude sur leur pages « à propos » sont bien loin du compte.
Combattre l’industrie du parfum… pour faire pire !
Ces nouveaux superhéros du buzz, portés par des vendeurs Snapchat opportunistes, disent présenter une Haute Parfumerie, luxueuse, aux matières premières riches et généreuses… blablabla… La réalité est bien loin du discours. La plupart des parfums proposés ne font que suivre les tendances posées par les pionniers des grands groupes, voir même par les marques Mainstreams, et bien sûr, sans la technicité du Mainstream.
C’est à se demander au final si la créativité à toujours sa place en France ? Car lorsqu’on voit des Mémoire d’une Odeur dans le Mainstream ou des marques comme Nasomatto, Orto Parisi ou Filippo Sorcinelli, on se dit qu’on ferait peut-être mieux d’émigrer en Italie pour sentir de vrais parfums… Espérons qu’un mouvement se crée derrière Matière Première et Floratropia !
Story Telling du Moyen-âge
Et si ces marques, les vraies enseignes sincères du marché de niche, veulent réussir, ça devra forcément passer par la force de leurs équipes. On ne réalise par un braco avec des bras cassés et la créativité seule face à l’industrie du parfum ne suffit pas.
À l’heure où les réseaux sociaux sont le haut-parleur de mouvements de libérations de tous poils, certaines directions de marques se laissent aller à poster des discours qui sembles venir des « temps bénis des colonies » comme chantait un certain fils de pute.
Lubin nous parle de l’odeur épicée des peaux d’esclaves magnifiques dans les dossiers du parfum Akkad envoyés aux revendeurs, Parfum d’Empire, pour Cuir Ottoman, nous décrit des arabes qui fument leur narguilé en bons paresseux qu’ils sont, The Different Company, sur son compte Instagram, pour le parfum Sel de Vétiver, stéréotypent l’Afrique en terre de Safari où les noirs (oui, Haïti c’est en Afrique!) n’ont droit qu’à la bonne vieille étiquette de danseurs, ou encore, pour Santo Incensio, réduisent les peuples d’Amazonie à des Chamanes chantant en transe.
Quand c’est trop, c’est trop. Entourez-vous de personnes compétentes pour communiquer et écrire vos fiches produits. Il y a des peuples qui ne supportent plus d’être réduits à des clichés dignes de l’époque la plus raciste. Enlevez vos chemises brunes et pensez avec votre temps. Ou bien… allez niquer vos mères !
Et vous, comment voyez-vous la créativité dans le futur pour l’industrie du parfum ?
Lâchez un commentaire et faites profiter la communauté de votre expérience.
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