Twilly d’Hermès
La réussite d’un mainstream sans concession
Pour suivre Tutti Twilly, dernier de la série, on a voulu revenir plus généralement sur Twilly, franc succès de la maison Hermès. Un retour en arrière et une critique sur les flankers qui ont suivi, sur le travail de Christine Nagel, sur la direction artistique de la maison.
Saison 5 – Épisode 23
Écouter le podcast sur Twilly :
Twilly d'Hermès
Une présentation vivifiante : L’Ancien et Alexis Toublanc échangent leurs inpressions et leurs points de vue sur Twilly et les déclinaisons qui en sont nées chez Hermès.
Par L’Ancien.
Twilly dans l’Histoire
La grande histoire du parfum est composée de milliers de trajectoires, des aventures lancées par des marques, des créateurs. Certaines ont été maîtrisées par des écrivains d’odeurs, menant les projets au sommet de la parfumerie. D’autres parfois ont explosé en vol, dû à de mauvais calculs, des fois des choix olfactifs trop risqués, parfois aussi à cause d’un manque de visibilité. Des blockbusters et des cartons commerciaux il y en a eu, des chefs-d’œuvre aussi, les deux étant rarement liés. Mais bien souvent ces réussites ont été signées par les grandes marques d’antan : Christian Dior, Yves Saint Laurent, Guerlain ou… Hermès.
Derrière l’immense succès de Terre d’Hermès, et l’héritage ineffaçable laissé par l’ex-parfumeur Maison Jean-Claude Ellena, Hermès a souffert dans ses divers lancements. L’échec commercial de Jour d’Hermès, la tièdeur discutable de H24, montrent à quel point l’enseigne de luxe est en difficulté permanente en sélectif. Exception faite d’un certain Twilly.
Si la première version est absolument surprenante et incroyable, les flankers nés dans son sillage restent très intéressants et s’imposent, dans leur ensemble, comme une belle réussite. Alors que personne ne semblait y croire à sa sortie, « le parfum des filles d’Hermès » semble remporter un pari complètement fou.
Donnez de la force à vos gars ! Il nous a fallu 11 triples espressos pour préparer cet épisode !
Hermès & Christine Nagel
Quand on a connu ces années Ellena chez Hermès, on sait que les tests consommateurs sont minimes. Et le dire c’est même faire mentir la maison qui jure ne pas en faire ! Mais dans les faits, on a notre nez pour sentir qu’on est pas face à une équipe de mythos. Hermès ne danse pas sur les codes qui encadrent le reste du petit monde de la parfumerie Mainstream. D’ailleurs, qu’on apprécie ou pas H24, dernier masculin grand public de la marque, on le ressent complètement dedans.
Au lancement de Twilly, si l’équipe d’AuParfum.com / Nez la revue a reçu une invitation pour une présentation avec la parfumeuse dans les locaux de Pantin, je n’ai pour ma part eu que les gros titres comme annonce. Dans les faits, j’ai eu le grand jeu au Sephora des Champs Élysées, où tout le mur de droite du couloir d’entrée était couvert des petits flacons du mignonet Twilly en 30ml. Ce soir-là mon cœur a fait boum ! J’ai fini à la caisse avec lui.
Le parfum des filles d’Hermès
La com’ de Twilly n’a pas changé depuis ce jour. Peu importe la version, il représente « le parfum des filles d’Hermès ». Ce qui est intéressant lorsqu’on visualise la tranche d’âge, via les diverses affiches et vidéos, c’est qu’on reste luxe et surtout à l’image d’un Hermès bon chic bon genre, à l’inverse du marketing et de la formule du bourrin Poison Girl de Dior qui visait le même public, à peu près à la même période.
Twilly a de la retenue, du style, du charme. Il descend d’ailleurs d’un certain Canoe de Dana qui propose ces codes olfactifs très chics, ou encore leur père, le fameux Trèfle Incarnat de L.T. Pivert, à qui il lui emprunte aussi son côté vert et même salicylé. On est donc tubéreuse et très fleur d’oranger, ce qui était présent mais se faisait rare lors de sa sortie, masqué par les sucreries commerciales.
Peu de temps donc après l’arrivée de Christine Nagel aux commandes d’Hermès, elle signe un coup exemplaire en parfumerie. Avec un départ pour la marque en demie teinte où elle avait lancé une Eau de Rhubarbe Écarlate pas si pertinente que ça pour certains, un Galop d’Hermès absolument superbe, mais une Eau de Citron Noir catastrophique, elle réalise un Twilly extrêmement convaincant.
Twilly fait le break en cette fin des années 2010 avec ce qui se faisait à la même période. Loin donc des sucreries nauséeuses du type La vie est belle ou Black Opium, mais rejoint tout de même cette tendance fleur oranger / gourmande / boisée, presque simultanément, ou ce qui viendra par la suite avec Libre d’Yves Saint Laurent, L’interdit de Givenchy, Scandal de Jean-Paul Gaultier, Paradox de Prada ou même Aura de Mugler.
Cette période 2010/2020 nous donne presque l’impression d’un petit revival des années 1980 où régnaient Poison de Dior, Giorgio d’Armani, etc, qui tiraient une inspiration de la période très ambrée et puissante survenue après l’avènement d’Opium. À la différence que ce Twilly et les autres parfums de son temps semblent plutôt faire écho aux sucrailles étouffantes, de La Petite Robe Noire et des autres.
Une compo sans concession ?
Dans un zigzag au travers de ces tendances, Twilly propose d’être lui-même au public. Loin d’être volontairement calibré comme a pu l’être Libre par la suite, Christine Nagel et Hermès s’engagent avec une belle composition, des matières beaucoup plus brutes et facettées. Un gingembre en ouverture très texturé, râpeux, un parfum qui nous renvoie en pleine face qu’on est sur le marché grand public mais qu’on va tout tenter.
Son cœur, une tubéreuse très fleur d’oranger bien chaude, qui montre de nombreux visages allant de la fleur blanche à la facette lactonée, un côté coco / pêche typique, et cette ambiance ambre solaire un peu plastique.
Le tout déposé sur un bloc de fond mousseux, vanillé, très musqué qui fait lien avec une ylang-ylang et l’aspect coumariné, qui n’est pas sans rappeler l’éternel accord lessiviel de la Soupline Grand Air !
Surtout, avec cette note boisée ambrée bien sèche qui non seulement rappelle la lessive, mais joue un rôle important ici. Choix technique ou concession commerciale ? C’est surtout parfaitement orchestré, avec un santal qui lui donne beaucoup de volume.
Une compo sans concession ?
Dans un zigzag au travers de ces tendances, Twilly propose d’être lui-même au public. Loin d’être volontairement calibré comme a pu l’être Libre par la suite, Christine Nagel et Hermès s’engagent avec une belle composition, des matières beaucoup plus brutes et facettées. Un gingembre en ouverture très texturé, râpeux, un parfum qui nous renvoie en pleine face qu’on est sur le marché grand public mais qu’on va tout tenter.
Son cœur, une tubéreuse très fleur d’oranger bien chaude, qui montre de nombreux visages allant de la fleur blanche à la facette lactonée, un côté coco / pêche typique, et cette ambiance ambre solaire un peu plastique.
Le tout déposé sur un bloc de fond mousseux, vanillé, très musqué qui fait lien avec une ylang-ylang et l’aspect coumariné, qui n’est pas sans rappeler l’éternel accord lessiviel de la Soupline Grand Air !
Surtout, avec cette note boisée ambrée bien sèche qui non seulement rappelle la lessive, mais joue un rôle important ici. Choix technique ou concession commerciale ? C’est surtout parfaitement orchestré, avec un santal qui lui donne beaucoup de volume.
Twilly est superbement conçu, laissant paraître, dans une réelle maîtrise, des aspects bruts qui donneraient l’impression de défauts. On est bien loin ici de ce qui se fait en mainstream, des parfums souvent trop aseptisés. C’est franc, c’est signé, c’est beau !
Les déclinaisons de Twilly
Dans une longue et noble descendance venue de ce Canoe de Dana, dans lequel on retrouve d’ailleurs, comme une espèce intermédiaire, le magnifique Hypnotic Poison, ce Twilly inscrit des flankers très intéressants après avoir réglé, tel un remix, les aigües et les basses, et boostant d’ailleurs quelque peu ce background lessiviel. Le tout est moins axé sur la tubéreuse, en étant un peu plus rose, mais avec pour chacun une vue différente de la fleur.
Twilly Eau Poivrée
En pimpant un peu le côté boisé ambré pour accentuer le piquant, avec une facette chaude très girofle, cette Eau Poivrée est sûrement la déclinaison la plus aboutie pour le moment. Plus épicée que poivrée d’ailleurs, il rappellerait même un peu l’Heure Bleue de Guerlain avec sa tendance violette et son fond baumé et coumariné.
Cet opus, qui présente cette fois une rose plutôt confiturée, opulente, est très bien mené, montrant d’emblée qu’on peut rester dans le propos d’origine et chercher un petit plus en bougeant les lignes de la formule.
Twilly Eau Ginger
Cette Eau Ginger est probablement celle qui porte le plus l’ADN de la Soupline Grand Air, avec une rose qui s’approche plus des notes de muguet. C’est un parfum qui réécrit Twilly d’une manière surprenante mais qui l’aseptise peut-être un peu trop, le rend savonneux. La superbe note de Gingembre qui caractérise tellement l’ouverture de l’original est ici absente, remplacée par une espèce de gingembritude généralisée dans le jus, finalement très plate. C’est surprenant et regrettable au vu de ce « Ginger » affiché en titre. Ça n’en est pas moins un parfum qui fait le taf et qui reste bien fait.
Tutti Twilly
Twilly est fruité, c’est un fait. Hermès et la dame Nagel ont voulu accentuer cet aspect en jouant d’abord sur les mots avec le « tutti » en titre, mais aussi en choisissant une rose plus fruitée dans sa composition. Tutti Twilly est déroutant, il promène les esprits dans tous les sens !
On part dans cette version vers des fruits exotiques, avec des notes de litchi et de fruit de la passion, très montantes, si difficiles à dompter. C’est aussi très cassis, ce qui donne à ce Tutti Twilly une signature tellement Nagel ! Un parfum d’auteur qui rappelle certains Sì d’Armani qu’elle a signé, tout comme l’Eau de Rhubarbe Écarlate et le Galop qu’elle a exécuté pour la maison peu de temps avant Twilly. Cette note cassis qui était d’ailleurs une touche qu’affectionnait son prédécesseur Jean-Claude Ellena, donnant presque à eux-deux une identité Hermès en cela.
Ce flanker est finalement un pur fruité niche, entre le côté Soupline et des facettes très marquées, rendant la formule parfois compliquée à porter lorsqu’on est habitué aux formules lissées du game.
Twilly reste Twilly
Dans les longues séries de flankers qu’ont connu les gros cartons de l’Histoire de la parfumerie, de nombreux parfums ont perdu leur identité à la longue. Twilly, même si on n’en est qu’à trois déclinaisons pour le moment, reste LA référence de la famille, la version la plus réussie, à laquelle on revient forcément si on aime la thématique. La version originale et ses rejetons sont une vague d’émotions qui se fait tellement rare de nos jours. Il fallait qu’on en parle, qu’on rende à César.
Alors, vous appréciez comment cette famille de Twilly d’Hermès ?
Faites profiter le lecteur de votre expérience, lâchez un commentaire !
2 Commentaires
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L’auteur :
L’Ancien
Auteur / Animateur
Il est la voix lugubre de ce podcast, grande gueule qui aime à secouer l’industrie du parfum. Sur ces notes trempées à l’encre noire, on peut distinguer des listes de victimes enterrées de Paris à Oman. L’Ancien est celui que tu aimes détester, c’est cette note de cœur qui te dérange mais qui rend la composition si singulière.
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Hyper intéressant, j’ai adoré qu’Alexis soit la pour échanger avec vous. C’est ultra enrichissant.
Je crois que mon préféré est l’original.
Celui que j’aime le moins le tutti twilly que je trouve trop sucré à mon goût et décevant mais j’irais le ressentir.