Ce Bangla Yāsaman par Isabelle Larignon…
Un parfum vrai, tout d’illusions
Isabelle Larignon n’est plus à présenter auprès des auditeurs de la Parfumerie Podcast. Auteure des superbes Milky Dragon et Le flocon de Johann K., elle a envoyé récemment en orbite un improbable Bangla Yāsaman, magistral jasmin sans jasmin.
Saison 5 – Épisode 25
Écouter le podcast sur Bangla Yāsaman d’Isabelle Larignon:
Bangla Yāsaman - Isabelle Larignon
Une présentation nocturne : L’Ancien et Isabelle Larignon papotent de nuit à propos de Bangla Yāsaman, son dernier parfum. Une surprise en soi qui nous emmène plus loin que ce qu’elle nous proposait auparavant.
Par L’Ancien.
Un Bangla Yāsaman qui peut surprendre
On avait découvert Isabelle Larignon à travers notre interview, une parfumeuse sincère, détachée du marché et les deux pieds dans le développement d’une marque qu’elle n’attendait pas. Les succès des ces deux premiers parfums, Milky Dragon et Le Flocon de Johann K., l’ont portée au devant de la scène, dans un marché de niche sclérosé qui avait clairement besoin d’une telle bouffée d’air.
Ce Bangla Yāsaman est une illusion de Jasmin, une recompostion de la matière première avec 19 molécules, rien que ça. Mais au-delà de la compo, le récit nous interpelle !
Donnez de la force à vos gars ! Il nous a fallu 13 triples espressos pour préparer cet épisode !
L’inspiration
J’avais reçu mon 10ml de Bangla Yāsaman, je l’ai vite apprécié mais ce qui m’a titillé est venu d’ailleurs. Une livraison d’un bon nombre de fioles de matières premières incluait un absolu jasmin (un gradiflorum!). J’ai voulu comparer les senteurs de la matière et du parfum d’Isabelle Larignon. En comprenant que l’ouverture de l’absolu était bien plus douce que celle de la fragrance, j’ai tout de suite été interpelé par le discours en arrière-plan de la parfumeuse.
C’est le cœur de la fleur qui s’exprime d’emblée dans le parfum, une ouverture un peu brutale qui rappelle ces jasmins qu’on croise au détour d’une rue, le sillage nous frappant sans prévenir.
Illustration : Marie Claire Redon
C’est précisement ces tapages olfactifs qui ont inspiré Isabelle. Ces jasmins de nuits hurlants en Grèce et ceux des jardins de l’ancienne maison d’Yves Saint Laurent qu’elle croisait la nuit en sortant du travail, rue François 1er. Des odeurs qu’on oublie jamais, puissantes, prenantes, envoutantes.
Elle y retrouve aussi les couleurs éclatantes des marchés de Dacca au Bangladesh, où teintes flashies et sillages floraux s’entremêlent. On est dans l’une des régions mères du jasmin, c’est imprimé dans les formules de ce parfum.
Les jasmins de Bangla Yāsaman
Bangla Yāsaman exprime le « Jasmin », avec une majuscule. Certaines notes nous emmènent vers la variété nommée Sambac, d’autres vers le Granfiflorum, qu’on ressent même dominant ici. C’est tabac, c’est fruité, c’est animal, c’est superbe. En recomposant le jasmin qu’elle veut, avec 19 molécules différentes, Isabelle Larignon peut mener les facettes qu’elle désire comme elle le souhaite.
De nombreuses matières indiquées dans les pyramides olfactives sont des accords, comme ici. C’est à cet endroit qu’on voit le désir particulier du parfumeur, dans ce qu’il souhaite laisser paraitre.
Réalité augmentée
Malgré que ce jasmin soit une reconstitution, Bangla Yāsaman regorge d’un max de matières naturelles. On surfe entre le fruité qu’évoque une note d’Osmanthus, proposant tout autant une certaine animalité ou des apparences cuirées, entre des facettes vertes que suggèrent une touche de bucu et de petit grain, des aspects très « matière » que poussent le céleri, une sauge sclarée et une dose généreuse d’indole. Ça fuse de partout, dans un récit maîtrisé. Une note d’absolu de tabac cerne cette composition, calme l’aspect fruité, dessèche le tout telle une feuille et pousse un peu plus le côté animal.
On est face à une vraie expérience de réalité augmentée, comme le clamait Jeanne Doré de Nez la revue ! On est au-delà du soliflore, on pimpe l’expression d’une fleure en lui donnant des volumes différents, des expressions différentes, de par une vision différente de la parfumeuse.
Isabelle Larignon, loin des rêves formatés
Pour Bangla Yāsaman, Isabelle Larignon s’éloigne du storytelling type du monde du parfum. Cet opus évoque un vendeur de fleurs bangladais qui arpente Paris la nuit et tente de s’immiscer entre les regards des couples. Un homme souvent peu considéré dû à son status social, parfois sans papier, parfois réfugié.
Au lieu de faire rêver le consommateur que vise systématiquement l’industrie, à coup de femmes dans des bains d’or, de tombeurs qui séduisent d’un sillage assassin, relayant les sempiternels codes associés au luxe, Isabelle veut revenir à la vrai vie. Elle présente un artifice d’amour, un outil en option proposé à la sauvette par un homme qui se doit de sourire chaque soir pour survivre.
Un discours politique
Bangla Yāsaman appelle à l’interrogation, propose un regard sur ce romantisme de la démerde. Un geste auquel on aurait donné plus de valeur s’il nous était offert par le groom d’un hôtel de luxe.
Une dimension politique qu’on recherche sans cesse à La Parfumerie Podcast, une avancée dans l’Art, celui qui est sincère et qui n’oublie pas la dureté de cette vie. Ce qu’on a retrouvé dans mains courants musicaux, dans la peinture, dans la littérature…
L’olfaction doit-il se contenter de caresser le monde dans le sens du poil ? La réponse est malheureusement au niveau du code-barres. Tant que les aficionados sont des clients, l’Art est forcément poussé de côté.
Isabelle Larignon, loin des rêves formatés
Photo : Sainte Cellier
Pour Bangla Yāsaman, Isabelle Larignon s’éloigne du storytelling type du monde du parfum. Cet opus évoque un vendeur de fleurs bangladais qui arpente Paris la nuit et tente de s’immiscer entre les regards des couples. Un homme souvent peu considéré dû à son status social, parfois sans papier, parfois réfugié.
Au lieu de faire rêver le consommateur que vise systématiquement l’industrie, à coup de femmes dans des bains d’or, de tombeurs qui séduisent d’un sillage assassin, relayant les sempiternels codes associés au luxe, Isabelle veut revenir à la vrai vie. Elle présente un artifice d’amour, un outil en option proposé à la sauvette par un homme qui se doit de sourire chaque soir pour survivre.
Un discours politique
Bangla Yāsaman appelle à l’interrogation, propose un regard sur ce romantisme de la démerde. Un geste auquel on aurait donné plus de valeur s’il nous était offert par le groom d’un hôtel de luxe.
Une dimension politique qu’on recherche sans cesse à La Parfumerie Podcast, une avancée dans l’Art, celui qui est sincère et qui n’oublie pas la dureté de cette vie. Ce qu’on a retrouvé dans mains courants musicaux, dans la peinture, dans la littérature…
L’olfaction doit-il se contenter de caresser le monde dans le sens du poil ? La réponse est malheureusement au niveau du code-barres. Tant que les aficionados sont des clients, l’Art est forcément poussé de côté.
Vous avez déjà senti Bangla Yāsaman par Isabelle Larignon, vous en pensez quoi ?
Faites profiter le lecteur de votre expérience, lâchez un commentaire !
L’auteur :
L’Ancien
Auteur / Animateur
Il est la voix lugubre de ce podcast, grande gueule qui aime à secouer l’industrie du parfum. Sur ces notes trempées à l’encre noire, on peut distinguer des listes de victimes enterrées de Paris à Oman. L’Ancien est celui que tu aimes détester, c’est cette note de cœur qui te dérange mais qui rend la composition si singulière.
La Parfumerie, La Saison 5 du Podcast Parfum
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