Ofumum : Toucher le parfum
[interview]
Alors que l’industrie continue son automatisation générale et repousse toujours un peu plus l’humanité dans ses retranchements, Ofumum propose de revenir à la terre, à la matière, aux flux concrets qui se touchent et qui forment les composantes de l’Art.
Saison 5 – Épisode 14
Écouter le podcast sur Ofumum
Ofumum : Toucher le parfum
Revenir à la base
On a beau s’éloigner de l’humain chaque jour un peu plus, les âmes chercheront toujours leurs corps pour survivre. Manon et Alex, fondateurs d’Ofumum, sont issus du monde de l’artisanat et ne veulent pas détruire leur vision de l’Art pour l’exprimer, logique. En reliant les points divergents de la matière ils proposent de mêler le toucher à l’odorat, une symbiose qui ne vaut que par leur rendu de cette matière. Une texture palpable, odorante, menée par l’instinct et la conviction, avant tout.
Ofumum n’est que de l’art. Une simple continuité de ce qu’on aurait dû nous vendre depuis des lustres. Malheureusement, tout s’est effondré entre temps, et même l’avènement de la parfumerie de niche au début des années 2000 n’y a en réalité rien changé. L’esprit n’a pas tenu, les jus se sont dilués à l’argent… fausse alerte. C’est finalement certains fous qui servent la cause.
Donnez de la force à vos gars ! Il nous a fallu 6 ristrettos pour préparer cet épisode !
Des flacons faits main
S’il y a bien un acte essentiel qui a disparu c’est celui du « faire ». L’industrialisation a dévoré rapidement l’artisanat sous toutes ses formes sans en laisser une miette. L’œuvre, ce geste de création, n’est plus qu’un procédé sans fond, à part celui du commerce.
Manon maitrise sa matière de ses mains en concevant elle-même ses flacons, en faisant naître les formes qu’elle veut donner à ses parfums. Il est question de matérialisation de l’odeur, de lui donner un aspect visuel, une texture palpable. Avec Alex, les parfums ont été pensés d’abord en voulant illustrer la matière que l’on touche, avec l’aide de la parfumeuse Laure Jacquet de Robertet, puis faire revenir le rendu olfactif vers une mise en forme de cette même matière.
Ofumum, en sens inverse
Au lieu de proposer ce glacial parfum qui occupe impunément les flacons du mainstream ou de cette niche qui n’a plus aucun sens, Ofumum replace la chaleur de l’humain au centre du processus, à contre-courant. Texture, poésie, sensibilité, intemporalité.
Les âmes se renversent
En découvrant chaque fragrance, je me suis étonné de la beauté. Un récit du beau, une composition lisible, et surtout une incroyable cohérence avec l’ambiance générale visible. L’émotion, si rarement touchée, semble se relever lentement, éblouie…
Une réflexion à l’horizontale
Même s’il ne participent qu’à trois pour le moment, c’est le fruit d’un collectif que l’on découvre avec Ofumum. Pas de hiérarchie mais bien une réflexion de groupe, qui veut rendre à l’Art l’essentiel : l’acte entier. Pas de pyramide avec le marketing au sommet, une vibration, surtout une résonance qui ne se trouve qu’ensemble.
Le temps du parfum
Le spray a apporté une intensité au parfum, une diffusion qui sert la cause de l’olfactif, sans aucun doute. Mais il a poussé le bon vieux splash sur la touche, celui par lequel on versait cette bonne vieille Cologne sur notre corps, d’un geste et d’une sensation inoubliables.
Les flacons Ofumum font revivre ce moment où le parfum et l’envie se donnent le temps de se retrouver. D’une renverse, puis en tapotant ce bouchon là où on le désir. Mettant en avant le sillage intimiste et le plaisir, ou encore en le versant d’une pulsion criminelle, comme je le fais en envoyant chier le monde.
Se réapproprier ces quelques secondes supplémentaires donne une vie en plus à notre amour du parfum, il faut l’avouer surtout dans cet univers où on nous pousse à courir…
L’atelier Ofumum, les collabs
À deux heures de Marseille, une heure trente de Grasse, dans le village de Saint-André-les-Alpes, Manon et Alex pensent, conceptualisent, idéalisent et réalisent leurs projets tout en céramique. Être loin de Paris c’était aussi une volonté qui va dans le sens du créatif.
En véritables artistes, ils peuvent aisément se diriger vers ce penchant pour le renouvellement et les déclinaisons. Des désirs de collaborations entre les hommes, entre les genres, des peintres pour habiller les flacons ? Et pourquoi pas ? Sky’s the limit.
Des flacons faits main
S’il y a bien un acte essentiel qui a disparu c’est celui du « faire ». L’industrialisation a dévoré rapidement l’artisanat sous toutes ses formes sans en laisser une miette. L’œuvre, ce geste de création, n’est plus qu’un procédé sans fond, à part celui du commerce.
Manon maitrise sa matière de ses mains en concevant elle-même ses flacons, en faisant naître les formes qu’elle veut donner à ses parfums. Il est question de matérialisation de l’odeur, de lui donner un aspect visuel, une texture palpable. Avec Alex, les parfums ont été pensés d’abord en voulant illustrer la matière que l’on touche, avec l’aide de la parfumeuse Laure Jacquet de Robertet, puis faire revenir le rendu olfactif vers une mise en forme de cette même matière.
Ofumum, en sens inverse
Au lieu de proposer ce glacial parfum qui occupe impunément les flacons du mainstream ou de cette niche qui n’a plus aucun sens, Ofumum replace la chaleur de l’humain au centre du processus, à contre-courant. Texture, poésie, sensibilité, intemporalité.
Les âmes se renversent
En découvrant chaque fragrance, je me suis étonné de la beauté. Un récit du beau, une composition lisible, et surtout une incroyable cohérence avec l’ambiance générale visible. L’émotion, si rarement touchée, semble se relever lentement, éblouie…
Une réflexion à l’horizontale
Même s’il ne participent qu’à trois pour le moment, c’est le fruit d’un collectif que l’on découvre avec Ofumum. Pas de hiérarchie mais bien une réflexion de groupe, qui veut rendre à l’Art l’essentiel : l’acte entier. Pas de pyramide avec le marketing au sommet, une vibration, surtout une résonance qui ne se trouve qu’ensemble.
Le temps du parfum
Le spray a apporté une intensité au parfum, une diffusion qui sert la cause de l’olfactif, sans aucun doute. Mais il a poussé le bon vieux splash sur la touche, celui par lequel on versait cette bonne vieille Cologne sur notre corps, d’un geste et d’une sensation inoubliables.
Les flacons Ofumum font revivre ce moment où le parfum et l’envie se donnent le temps de se retrouver. D’une renverse, puis en tapotant ce bouchon là où on le désir. Mettant en avant le sillage intimiste et le plaisir, ou encore en le versant d’une pulsion criminelle, comme je le fais en envoyant chier le monde.
Se réapproprier ces quelques secondes supplémentaires donne une vie en plus à notre amour du parfum, il faut l’avouer surtout dans cet univers où on nous pousse à courir…
L’atelier Ofumum, les collabs…
À deux heures de Marseille, une heure trente de Grasse, dans le village de Saint-André-les-Alpes, Manon et Alex pensent, conceptualisent, idéalisent et réalisent leurs projets tout en céramique. Être loin de Paris c’était aussi une volonté qui va dans le sens du créatif.
En véritables artistes, ils peuvent aisément se diriger vers ce penchant pour le renouvellement et les déclinaisons. Des désirs de collaborations entre les hommes, entre les genres, des peintres pour habiller les flacons ? Et pourquoi pas ? Sky’s the limit.
Trois parfums pour entrer en matière
Poivre Porcelaine
Poivre Porcelaine est le premier que j’ai senti dans la collection, un ambré épicé qui, comme son nom l’indique, s’ouvre sur un poivre noir envahissant. C’est puissant, saisissant, ultra addictif. C’est clairement le parfum, lorsqu’on prend connaissance des autres, qui semblent vouloir nous éloigner et nous porter vers le futur de la maison. C’est beau, ça frappe !
Narcist Iris
Ce parfum se place pile entre les deux autres. On est dans le discours qui pousse au crime, au beau crime. C’est comme l’incarnation du désir, du charnel, sans tomber dans le sexuel, avant de faire raisonner toute une introspection. Bref, un bordel de beauté, un sillage de feu, l’élément le plus brut de ce qui irrigue l’Art : être soi-même !
Eau des Rêves
La fragrance la plus intimiste des trois. Un esprit boisé qui laisse une trace indélébile d’encens là où l’on passe, qui nous évoque un temps si tendre qu’il se fige entre nos mains. Le plus beau du trio ? Va savoir ? Tout est tellement sublime et prenant qu’on s’oublie à chaque fois, au long de la journée dans ce crémeux final qui relie les compositions entre elles.
Alors, cet artisanat Ofumum ça vous transporte où ?
Faites profiter le lecteur de votre expérience, lâchez un commentaire !
3 Commentaires
Soumettre un commentaire
L’auteur :
L’Ancien
Auteur / Animateur
Il est la voix lugubre de ce podcast, grande gueule qui aime à secouer l’industrie du parfum. Sur ces notes trempées à l’encre noire, on peut distinguer des listes de victimes enterrées de Paris à Oman. L’Ancien est celui que tu aimes détester, c’est cette note de cœur qui te dérange mais qui rend la composition si singulière.
La Parfumerie, La Saison 5 du Podcast Parfum
Tous les épisodes :
Bricolage et originalité
De nombreuses marques de parfumerie de Niche sont obligées de composer avec un budget serré, elles jouent aux Lego pour leur packaging…
La critique face aux changements
Face aux changements de l’industrie, la critique doit s’adapter et prendre pleinement la mesure de ce qui se passe réellement chez les marques…
Avis Marque : StrangeLove NYC
StrangeLove NYC est une marque crée par Christophe Laudamiel qui s’est surtout illustrée par ses prix délirants, on donne un avis clair !
Parfums « briseurs de nuques »
La Parfumerie Podcast balance une sélection de parfums briseurs de nuques dès le mois de janvier, pour passer un 2024 de chiropracteur !
Mabra / Al-Qasidah : Le monde de demain
Pendant que l’industrie s’effondre sans s’en rendre compte, les marginaux du game font leur place en parallèle, comme le rap l’a fait avant…
Parfums d’Orient [un tour à l’Institut du Monde Arabe]
On fait un break pour parler de l’expo « Parfums d’Orient » à l’Institut du Monde Arabe, un dispositif olfactif qui valait le détour, vraiment !
L’Atelier Français des Matières / Les Indémodables
L’Atelier Français des Matières et les Indémodables proposent du parfum maitrisé de A à Z, du sourcing à la création, à la distribution…
Patrice Revillard & Maelström
Patrice Revillard, parfumeur du laboratoire indépendant Maelström, est l’auteur de l’Iris de Fath et de nombreux parfums qui nous redonnent espoir !
L’artisanat, nouveau luxe en parfumerie ?
Et si l’artisanat reprenait sa place en parfumerie ? Des marques de parfums émergent, proposant un luxe artisanal, indépendantes au maximum !
Le monument Serge Lutens
Serge Lutens est un personnage sombre et intriguant, mais il nomme surtout une marque monument de la parfumerie. Personnalité, Art, tout y est !
Quelques pépites…
Des parfums en mode « perfect », il y en a beaucoup qui nous ont marqués. On a sélectionné 6 pépites qui nous ont vraiment touchés.
Zara marque la parfumerie
Pour ses nouveaux parfums Zara met en avant les grands parfumeurs Olivia Giacobetti et Alberto Morillas, un bel hommage et surtout une belle stratégie !
Les photos sont incroyablement belles douces émouvantes c’est du rêve à l’état pur. Manon et Alex sont émouvants leurs esprits sont purs ils aiment , maîtrisent leur travail. Un peu de douceur de réel dans notre monde qui a oublié l’essentiel, la nature, l’artisanat. Longue vie à leur travail.
Ces personnes sont apaisantes par leur façon de parler : calmes, centrées, cohérentes. C’est une interview importante, qui montre la possibilité d’un travail intelligent qui se déploie dans le temps pour toucher, dans tous les sens du terme.
Bravo !
Ofumum, l’artefact des odeurs .
Découverts grâce au kit d’échantillons proposé par la maison, ces trois premiers parfums ne laisseront personne indifférent, c’est une garantie.
On touche le sol avec fracas laissant dans l’obscurité bruiteurs des réseaux sociaux et autre pseudo parfumerie clinquante qui s’agitent pour masquer la vacuité de leurs âmes.
Ofumum c’est de l’art olfactif inspiré depuis les plus hautes sphères de lumière. Rien de moins.
Une parfumerie spirituelle incarnée dans la sphère matérielle avec subtilité. Une enveloppe charnelle et délicate, qui vous prends dans ses bras avec générosité et ne vous lâche plus. Des odeurs exquises pétries de matières à l’image des réceptacles en céramique faits main qui les recueillent.
Les effluves réalistes qui s’en libèrent désarment littéralement celui qui a le privilège de s’en approcher tant elles déjouent les a-priori. Et c’est ça qui est intéressant dans la « vraie »
( malheureusement aujourd’hui il faut préciser ) parfumerie : cette capacité à assembler, étonner, surprendre, émerveiller, bouleverser le plus profond de l’âme sans forcément se sentir obliger d’y apposer des mots en correspondance avec le ressenti. Juste vivre son olfaction, la nourrir sainement pour la voire grandir et prendre son envol vers les hauteurs.
Ce sentiment palpable chez Ofumum du « contre tout attente » s’échappe tel le bon génie de sa bouteille dans un nuage euphorisant. Oui, on est heureux comme des gosses libres qui font l’école buissonnière des odeurs, au nez et à la barbe d’une industrie commerciale vitrifiée.
La simplification des formules, 2 à 4 ingrédients maximum est tout aussi culottée qu’elle en est efficace, dans une époque où plus on en rajoute mieux c’est.
Ofumum fait la démonstration que le minimalisme fonctionne à merveille et que la simplicité à toujours été l’unique voie qui débouche sur la Vérité. Ici la Vérité au lieu de se voire rabaissée à des joutes intellectuelles entre érudits, est au contraire élevée au rang noble qu’elle n’aurait jamais du quitter. Elle s’expérimente en silence sur soi et en soi, à tout instant, relayée dans la sphère matérielle par les capteurs de nos sens physiques et prenant ici la forme évolutive d’un artefact olfactif. Car si la forme change, l’essence, elle, reste immuable.
Et bien que les formules soient courtes leur poids en matières premières en disent long sur ce qu’elles ambitionnent de nous faire partager. On y va pas par quatre chemins.
Une fois le parfum Ofumum couché sur peau, le processus est lancé tel un train fou roulant à vive allure et le nez n’a qu’une obsession, revenir encore et encore humer à pleins poumons ces auras parfumées qui se déploient à leur rythme et se déplacent dans un temps long sur nos peaux. Il y a quelque chose dans cette parfumerie devenue terrestre qui rejoint l’univers ancestral des attars, tant ces trois fragrances affirment avec force leur territoire dans un espace rapproché.
J’ai commencé par découvrir Eau des Rêves et son puissant encens aux vapeurs d’alcool en ouverture qui vous transporte dans une lourde pirogue de Cèdre aux facettes animales sur les méandres des songes et des souvenirs. Il y a une dimension définitivement antique dans ce parfum qui invite l’âme à revisiter ses vies passées de manière éveillé.
Narcist Iris est un choc de toute beauté, une explosion florale poudrée, constellée de graines de carottes scintillantes dans un bouquet de santal crémeux. L’amour instantané. Cet Iris distingué à de quoi se vanter tant il est sensuel comme une peau d’ambre satinée. Fleur charnelle et narcotique.
Poivre Porcelaine est à mes yeux mais c’est une simple question de goût le plus réussi, même s’ils le sont tous. La singularité domine cette composition. Un puissant poivre sec et gourmand là où on l’attendait croquant, surmonté d’une couronne de mimosas piquée de Myhrre, le tout évoluant dans une lumière diaphane. Poivre Porcelaine n’est pas sans m’évoquer étrangement dans son séchage un certain Nuit de Feu.
En conclusion, ce qu’Ofumum annonce dans le nom de ses créations est exactement ce que l’on reçoit olfactivement, c’est absolument cohérent du début à la fin, le fond et la forme s’enchainant et vice versa dans une réthorique vivante et enivrante.
On doit encore souligner l’espièglerie des concepteurs qui ont ironiquement appelés leur parfumerie » Ofumum » mot latin pour désigner les déchets. C’est évidemment tout le contraire car à ce compte là moi je veux bien venir faire les poubelles de leur atelier tous les matins pour ramasser ces somptueuses pépites.