Un mot sur la pyramide olfactive
Entre illustration et vitrine marketing
C’est en en parlant qu’on s’est aperçu du manque évident de ce podcast : la pyramide olfactive. C’est un incontournable du sujet de la parfumerie. Son utilisation essentielle pour les marques, et parfois trompeuse pour les consommateurs, est une thématique qu’on se devait de traiter.
Saison 6 – Épisode 14
Écouter le podcast sur la pyramide olfactive :
La Pyramide Olfactive
Une présentation pharaonique : Fun (qui porte égoïstement Seville à l’aube de l’Artisan Parfumeur), Arsène (en Belles rives de la Parfumerie Moderne) et L’Ancien (en Jaïpur pour Homme de Boucheron).

La pyramide olfactive en parfumerie
La pyramide olfactive est un outil visuel et organique qui permet de voir un parfum sans le sentir.
Pour le parfumeur, cela lui donne avant tout le schéma mental de l’histoire qu’il souhaite raconter avec un découpage précis des chapitres que constituent son parfum. Ce n’est pas avec la pyramide qu’il construit son parfum, la pyramide arrive à la fin de la conception et est toujours non exhaustive. Pour le consommateur, elle lui permet de mettre des mots sur ce qu’il aura perçu olfactivement. Elle lui permet de visualiser tous les motifs olfactifs qu’il aura sentis pour venir en aide à l’émotion vécue et lui offrir son vocabulaire. Pour le revendeur, cela l’aide comme un pense-bête.
La pyramide est construite en trois séparations :
Les notes dites de « tête » : Matières premières volatiles (hespéridées, aldéhydes, fruitées), elles permettent de déployer l’idée du parfum,
Les notes dites de « cœur » : Matière premières qui donnent l’âme du parfum (notes florales, aromatiques, épicées),
Les notes dites de « fond » : Matières premières qui « fixent » l’histoire du parfum (notes boisées, musquées, animales, balsamiques).
Un parfum équilibré, conçu avec un savoir-faire très technique, permet très souvent de ressentir et d’entrevoir, en quelques secondes seulement, toute l’idée de sa pyramide dès l’évaporation des tous premiers instants du parfum.
Donnez de la force à vos gars ! Il nous a fallu 1 cafetière d’1L pour préparer cet épisode !
Les égyptologues
Au-delà de l’utilité de ces pyramides pour illustrer un parfum, il y a un côté menteur. Car si les parfumeurs ou maisons de composition fournissent l’essentiel du schémas pour communiquer, le problème est que de nombreux passionnés peu avertis y croient dur comme fer, pensant qu’il s’agit d’une liste crue de composants.
Cette montagne de notes n’est en réalité qu’une présentation pour suggérer à quoi pourrait ressembler ce qu’on s’apprête à sentir, éventuellement son évolution, bien que des notes de fond peuvent tout-à-fait se manifester dès l’ouverture. Mais surtout, va-t-on parler de jasmin ou bien des dix-neuf molécules qui ont servi à reproduire l’essentiel des facettes, de l’idée du jasmin que se fait le parfumeur ? C’est exactement le cas de Bangla Yāsaman d’Isabelle Larignon. De même pour le fabuleux Eau de Narcisse bleu de Jean-Claude Ellena pour Hermès qui ne contient pas une goutte de narcisse, etc.


Le travail ultra complet de Jean-Claude Ellena pour Hermès. (photo Brice Toul pour zeit.de)
On trouve ainsi sur les réseaux sociaux des gens qui jurent que tel ou tel parfum contient telle ou telle matière première, basé sur un simple croquis. On a ces incroyables influenceurs qui récitent les pyramides avec la même certitude, la page de Fragrantica ouverte pour la lire devant la caméra. Cette lecture ne devrait être que dans un simple but indicatif, suivant l’idée… de donner l’idée.
La vision du parfumeur
On a tenu à évoquer Jean-Claude Ellena dans cet épisode car le monsieur maîtrisait pour Hermès tout le narratif de ses œuvres. Du storytelling au probable dossier de presse, et très sûrement la pyramide. On l’entendait en conférence à l’époque déclarer que « si vous sentez ‘ça’ dans le parfum c’est que c’est présent »… Signifiant par cela que votre imaginaire est bien plus important que la réalité du contenu. Hermès qui d’ailleurs ne communique presque rien de la formule, deux-trois notes, pas plus. Un minimum d’infos qui ne fait pas trop rêver, mais dont la limite est en réalité préférable.
De l’autre côté du débat on trouve les marques qui se concentrent sur cette pyramide pour lister un nombre incalculable de notes. Des pyramides de Khéops, mais pour quoi foutre ? On ne dit pas que ça ne sert à rien, ou encore moins que ça n’est pas vrai, mais noyer le consommateur ne rime pas à grand chose.
Il y a un véritable débat derrière la rédaction de ces schémas, avec des points de vue opposés et une évolution de leur communication par les équipes marketing parfois étonnante !
Balles de tennis, eau bénite et sac plastique
Bien qu’un outil déjà grandement marketing, la pyramide olfactive a, chez certaines marques, franchi un cap franchement grotesque. On ne parle plus de notes olfactives au sens classique : on est ailleurs, dans le pur délire figuratif.
La pyramide pas très olfactive…
Prenez une note de « carte de crédit » chez Toskovat : il ne s’agit plus d’expliquer ce que le parfum sent, mais d’étirer un univers narratif. La pyramide ne sert plus à structurer une composition, elle devient une extension du storytelling. Et dans certains cas, on peut tout à fait le tolérer. Si la pyramide n’est plus là pour décrire, mais pour raconter, pourquoi pas ?

Si c’est assumé comme un outil de narration de plus, au même titre que le flacon ou le visuel, ça peut se défendre. Ça peut même faire parler, susciter de l’intérêt, ouvrir des portes.
Mais c’est un jeu glissant. Quand le fond du message devient incompréhensible ou creux, quand l’accumulation de notes ridicules finit par tourner au gag, on se demande : est-ce encore un geste créatif ou juste un vernis pseudo-intello pour emballer du déjà-vu ? Entre doigt d’honneur aux codes de la parfumerie classique et posture conceptuelle un peu prétentieuse, tout dépend de ce qu’on y cherche et de ce qu’on y sent.
Les égyptologues

Au-delà de l’utilité de ces pyramides pour illustrer un parfum, il y a un côté menteur. Car si les parfumeurs ou maisons de composition fournissent l’essentiel du schémas pour communiquer, le problème est que de nombreux passionnés peu avertis y croient dur comme fer, pensant qu’il s’agit d’une liste crue de composants.
Cette montagne de notes n’est en réalité qu’une présentation pour suggérer à quoi pourrait ressembler ce qu’on s’apprête à sentir, éventuellement son évolution, bien que des notes de fond peuvent tout-à-fait se manifester dès l’ouverture. Mais surtout, va-t-on parler de jasmin ou bien des dix-neuf molécules qui ont servi à reproduire l’essentiel des facettes, de l’idée du jasmin que se fait le parfumeur ? C’est exactement le cas de Bangla Yāsaman d’Isabelle Larignon. De même pour le fabuleux Eau de Narcisse bleu de Jean-Claude Ellena pour Hermès qui ne contient pas une goutte de narcisse, etc.
On trouve ainsi sur les réseaux sociaux des gens qui jurent que tel ou tel parfum contient telle ou telle matière première, basé sur un simple croquis. On a ces incroyables influenceurs qui récitent les pyramides avec la même certitude, la page de Fragrantica ouverte pour la lire devant la caméra. Cette lecture ne devrait être que dans un simple but indicatif, suivant l’idée… de donner l’idée.
La vision du parfumeur

Le travail ultra complet de Jean-Claude Ellena pour Hermès. (photo Brice Toul pour zeit.de)
On a tenu à évoquer Jean-Claude Ellena dans cet épisode car le monsieur maîtrisait pour Hermès tout le narratif de ses œuvres. Du storytelling au probable dossier de presse, et très sûrement la pyramide. On l’entendait en conférence à l’époque déclarer que « si vous sentez ‘ça’ dans le parfum c’est que c’est présent »… Signifiant par cela que votre imaginaire est bien plus important que la réalité du contenu. Hermès qui d’ailleurs ne communique presque rien de la formule, deux-trois notes, pas plus. Un minimum d’infos qui ne fait pas trop rêver, mais dont la limite est en réalité préférable.
De l’autre côté du débat on trouve les marques qui se concentrent sur cette pyramide pour lister un nombre incalculable de notes. Des pyramides de Khéops, mais pour quoi foutre ? On ne dit pas que ça ne sert à rien, ou encore moins que ça n’est pas vrai, mais noyer le consommateur ne rime pas à grand chose.
Il y a un véritable débat derrière la rédaction de ces schémas, avec des points de vue opposés et une évolution de leur communication par les équipes marketing parfois étonnante !
Balles de tennis, eau bénite et sac plastique
Bien qu’un outil déjà grandement marketing, la pyramide olfactive a, chez certaines marques, franchi un cap franchement grotesque. On ne parle plus de notes olfactives au sens classique : on est ailleurs, dans le pur délire figuratif.

La pyramide pas très olfactive…
Prenez une note de « carte de crédit » chez Toskovat : il ne s’agit plus d’expliquer ce que le parfum sent, mais d’étirer un univers narratif. La pyramide ne sert plus à structurer une composition, elle devient une extension du storytelling. Et dans certains cas, on peut tout à fait le tolérer. Si la pyramide n’est plus là pour décrire, mais pour raconter, pourquoi pas ?
Si c’est assumé comme un outil de narration de plus, au même titre que le flacon ou le visuel, ça peut se défendre. Ça peut même faire parler, susciter de l’intérêt, ouvrir des portes.
Mais c’est un jeu glissant. Quand le fond du message devient incompréhensible ou creux, quand l’accumulation de notes ridicules finit par tourner au gag, on se demande : est-ce encore un geste créatif ou juste un vernis pseudo-intello pour emballer du déjà-vu ? Entre doigt d’honneur aux codes de la parfumerie classique et posture conceptuelle un peu prétentieuse, tout dépend de ce qu’on y cherche et de ce qu’on y sent.
Et vous, vous êtes à fond dans cette pyramide olfactive ?
Faites profiter le lecteur de votre expérience, lâchez un commentaire !
Les auteurs :

Fun
Auteur / Animateur
Sentir sérieusement sans jamais se prendre au sérieux ; chez lui, la pulsion automatique de mettre des mots sur ses sensations lui donnera toujours des histoires à se raconter, à nous raconter.

Arsène
Auteur / Animateur
Étudiant éternel en quête d’un avenir, radieux ou non, il cherche avant tout à sentir bon. Il prend le parfum comme un art et se balade comme s’il avait un Picasso dans le dos.

L’Ancien
Auteur / Animateur
Il est la voix lugubre de ce podcast, grande gueule qui aime à secouer l’industrie du parfum. Sur ces notes trempées à l’encre noire, on peut distinguer des listes de victimes enterrées de Paris à Oman. L’Ancien est celui que tu aimes détester, c’est cette note de cœur qui te dérange mais qui rend la composition si singulière.
La Parfumerie, La Saison 6 du Podcast Parfum
Tous les épisodes :
L’expérience client
Combien a-t-on acheté de flacons qu’on a fini par mettre de côté ? L’expérience client est extrêmement importante pour bien choisir…
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