Ces masculins asexués
Où est passée la virilité ?
On a beau vouloir genrer le parfum à tout prix, les masculins ne ressemblent plus à l’esprit viril d’antan, ils pourraient même être vendus comme « mixtes ». Des shampoinades sous couvert d’appellations ronflantes, des « sauvages », bien loin de l’idée qu’on se fait de l’homme, malgré les clichés bien conservés pour le cadre marketing.
Saison 6 – Épisode 15
Écouter le podcast sur les parfums masculins :
Ces masculins asexués

Parfumerie masculine et virilité
Si Drakkar noir de Guy Laroche représente le « daron » dans les esprits de nombreuses personnes, il est bel et bien l’incarnation du parfum viril. Là où la lignée des Fougères est restée très propre, enracinée dans la proposition « after douche », le légendaire flacon noir et blanc a fait un break dans le début des années 1980. Loin des Eau Sauvage, Azzaro pour homme ou encore Paco Rabanne pour homme qui sont restés plus fidèles à l’esprit « après rasage ». Drakkar noir s’est cuiré et a proposé un homme qui s’affirme au-delà de sa salle de bain. Le parfum a aussi boisé le game, ce qui nous a conduit, en une vingtaine d’années à peine, aux soupes actuelles.
Autre descendant des beaux fougères de l’homme qui se lave, Kouros, né à la même époque de Drakkar, propose un homme ultra viril et au caractère animal, sexuel. L’homme « homme », au marketing qui hameçonne la communauté gay, et propose aux hétérosexuels leur propre rêve de masculinité. Des descendants du genre, il y en a eu, mais aucun n’a enfanté une fragrance qui vibre de nos jours. Les hommes se parfument en sentant la douche, le frais, le mignon, mais en puant la défaite, déconstruits jusqu’au sillage, dépourvus de tout trait de caractère, dilués dans une société où l’on doit s’imposer, une époque où les gens se cherchent mais où tous se ressemblent…
Donnez de la force à vos gars ! Il nous a fallu 2 p’tits ristrettos musclés pour préparer cet épisode !
Le fougère rendu viril
La proposition initiale de cette famille si masculine ne l’est pas autant que ça en réalité. Le lien olfactif avec les mousses à raser est le seul qui image vraiment l’homme plutôt que la femme. C’est plutôt son classement commercial et son succès qui ont construit l’évidence, le « parfum homme » par essence. C’est d’ailleurs en suivant ce chemin de monsieur propre que les jus de frigo comme Y sont restés masculins dans les esprits. On t’a dit que c’est pour homme, donc c’est pour homme !
Y’a qu’à voir le tapage des pubs du genre : Pure XS est tellement propre (et boisé!) qu’il suffit de se parfumer les couilles pour faire tomber les connasses ! Ce type de parfum, probable descendant lointain d’un certain Mâle de Jean-Paul Gaultier, a quoi de si masculin au final ? Je ne dis pas qu’un homme doit être obligatoirement cuiré ou animal (il n’y a pas un homme mais des hommes, il n’y a pas une femme mais des femmes), mais ça démontre juste que c’est un trajet de la parfumerie qu’on a dû baliser de marketing pour le faire accepter comme tel. Le Mâle est-il un grand masculin ? Immense ! Mais c’est uniquement son étiquette « parfum pour homme » qui fait de lui un masculin.
La parfumerie a enfanté du propre et du viril mais les tendances (téléguidées) ont choisi le propre.

Deux exemples

Kouros d’Yves Saint Laurent
Pourquoi se laver ? C’est un peu ce que suggère Yves Saint Laurent avec son légendaire Kouros : Le parfum d’un rapport sexuel animal qui aurait souillé tout ce qu’il y avait de propre dans la chambre ! Une fragrance niche avant l’heure où le brief rendu avec brio par Pierre Bourdon met finalement en scène tout ce que l’homme a de bestial. Si l’aspect fougère est bien présent pour maintenir la salle de bain propre, Saint Laurent propose de rendre le parfum masculin plus fidèle à son appellation, illustrant une virilité à son paroxysme. L’homme qui porte Kouros se fout d’envoyer un clin d’œil stylé aux passants, il transmet plutôt un message très direct :
« on baise ? Je suis une machine ».
La fauvitude de Kouros est le sommet de ce qu’on a voulu servir aux mâles en parfumerie. On n’a jamais reproduit ce schéma, on ne le reproduira plus jamais de la sorte en sélectif. Il est le carrefour de l’animalité, avec tout le discours « fécal » qui va avec, propre fougère, dragueur et addictif avec ses notes d’encens et d’épices pour assaisonner les proies. Kouros c’est la masculinité toxique qu’on condamne sur les réseaux sociaux, et on le porte, et on vous baise !
Drakkar noir de Guy Laroche
À peine une année après Kouros, Guy Laroche lance le missile Drakkar noir. Issus donc de la même ascendance, Pierre Wargnye reste dans le propre, en dosant les notes boisées par fagots. Le parfum, très épicé, est d’un caractère trempé, il est puissant et ses notes de cuir et lavande seront les éléments essentiels d’un sillage ancré dans les mémoires. Drakkar est presque agressif, il provoque, il suscite les réactions avec des touches qui en elles-mêmes, en tant que matières premières, ne peuvent pas laisser indifférent. La mousse de chêne, qui n’est pas sans rappeler la ribambelle de Chypres qui cartonnaient à l’époque précédente, chatouille les narines comme jamais. Cannelle et autres notes à connotation aphrodisiaque, qu’on pourraient d’ailleurs lier jusqu’à Opium pour homme de ce diablotin de Saint Laurent, apportent la touche séductrice imparable en cette ère.
Le bon et la brute
Si Kouros se veut masculin par une approche testostérones, Drakkar noir veut incarner l’homme qui s’impose avec l’aura de ce que suggère son rôle. Il est dragueur mais pas connard, il est puissant mais pas gauche, il trouble sans emmerder. On retrouvera d’ailleurs ces codes au sein d’un de ses fils, un certain Platinum Égoïste de Chanel.

C’est cette parfumerie masculine qui a disparu, envolée dans un nuage de tendances qui fait des calculs stupides au lieu de voir les choses évidentes. L’homme veut porter ce qu’il est, mais on a cherché a lui fourguer autre chose, ce depuis Bleu de Chanel.



C’est à ça que ressemble la parfumerie masculine depuis 20 ans. Du shampoing, du parfum asexué qui n’a de masculin que la catégorie dans laquelle on la vend. Du jus de frigo, du Head & Shoulders indélébile, pété de bois ambrés et empli de toute la stérilité que l’industrie peut produire.
Une des causes de l’essor de la niche ?
Les consommateurs de la niche grise (les clients du marché gris) sont à 90% des hommes (constat personnel, donc exact). La lassitude de la parfumerie mainstream est non seulement un résultat du manque de créativité, mais c’est aussi, pour le cas des parfums masculins, un manque de caractère et de cette virilité que l’homme recherche sans cesse. La parfumerie de niche émergente dans la rue a aussi trouvé son succès en répondant à cette demande. Les gamins qui s’arrachaient pour s’acheter les masculins iconiques de l’époque, Fahrenheit ou Déclaration, ont le même profil que ceux qui se tordent aujourd’hui pour avoir le luxe et le caractère. Même si la banane est en bout de caisse, c’est un fait indéniable. Le public masculin ne retrouve plus son âme dans le mainstream.
Le fougère rendu viril
La proposition initiale de cette famille si masculine ne l’est pas autant que ça en réalité. Le lien olfactif avec les mousses à raser est le seul qui image vraiment l’homme plutôt que la femme. C’est plutôt son classement commercial et son succès qui ont construit l’évidence, le « parfum homme » par essence. C’est d’ailleurs en suivant ce chemin de monsieur propre que les jus de frigo comme Y sont restés masculins dans les esprits. On t’a dit que c’est pour homme, donc c’est pour homme !

Y’a qu’à voir le tapage des pubs du genre : Pure XS est tellement propre (et boisé!) qu’il suffit de se parfumer les couilles pour faire tomber les connasses ! Ce type de parfum, probable descendant lointain d’un certain Mâle de Jean-Paul Gaultier, a quoi de si masculin au final ? Je ne dis pas qu’un homme doit être obligatoirement cuiré ou animal (il n’y a pas un homme mais des hommes, il n’y a pas une femme mais des femmes), mais ça démontre juste que c’est un trajet de la parfumerie qu’on a dû baliser de marketing pour le faire accepter comme tel. Le Mâle est-il un grand masculin ? Immense ! Mais c’est uniquement son étiquette « parfum pour homme » qui fait de lui un masculin.
La parfumerie a enfanté du propre et du viril mais les tendances (téléguidées) ont choisi le propre.
Deux exemples :
Kouros d’Yves Saint Laurent

Pourquoi se laver ? C’est un peu ce que suggère Yves Saint Laurent avec son légendaire Kouros : Le parfum d’un rapport sexuel animal qui aurait souillé tout ce qu’il y avait de propre dans la chambre ! Une fragrance niche avant l’heure où le brief rendu avec brio par Pierre Bourdon met finalement en scène tout ce que l’homme a de bestial. Si l’aspect fougère est bien présent pour maintenir la salle de bain propre, Saint Laurent propose de rendre le parfum masculin plus fidèle à son appellation, illustrant une virilité à son paroxysme. L’homme qui porte Kouros se fout d’envoyer un clin d’œil stylé aux passants, il transmet plutôt un message très direct :
« on baise ? Je suis une machine ».
La fauvitude de Kouros est le sommet de ce qu’on a voulu servir aux mâles en parfumerie. On n’a jamais reproduit ce schéma, on ne le reproduira plus jamais de la sorte en sélectif. Il est le carrefour de l’animalité, avec tout le discours « fécal » qui va avec, propre fougère, dragueur et addictif avec ses notes d’encens et d’épices pour assaisonner les proies. Kouros c’est la masculinité toxique qu’on condamne sur les réseaux sociaux, et on le porte, et on vous baise !
Drakkar noir de Guy Laroche

À peine une année après Kouros, Guy Laroche lance le missile Drakkar noir. Issus donc de la même ascendance, Pierre Wargnye reste dans le propre, en dosant les notes boisées par fagots. Le parfum, très épicé, est d’un caractère trempé, il est puissant et ses notes de cuir et lavande seront les éléments essentiels d’un sillage ancré dans les mémoires. Drakkar est presque agressif, il provoque, il suscite les réactions avec des touches qui en elles-mêmes, en tant que matières premières, ne peuvent pas laisser indifférent. La mousse de chêne, qui n’est pas sans rappeler la ribambelle de Chypres qui cartonnaient à l’époque précédente, chatouille les narines comme jamais. Cannelle et autres notes à connotation aphrodisiaque, qu’on pourraient d’ailleurs lier jusqu’à Opium pour homme de ce diablotin de Saint Laurent, apportent la touche séductrice imparable en cette ère.
Le bon et la brute
Si Kouros se veut masculin par une approche testostérones, Drakkar noir veut incarner l’homme qui s’impose avec l’aura de ce que suggère son rôle. Il est dragueur mais pas connard, il est puissant mais pas gauche, il trouble sans emmerder. On retrouvera d’ailleurs ces codes au sein d’un de ses fils, un certain Platinum Égoïste de Chanel.
C’est cette parfumerie masculine qui a disparu, envolée dans un nuage de tendances qui fait des calculs stupides au lieu de voir les choses évidentes. L’homme veut porter ce qu’il est, mais on a cherché a lui fourguer autre chose, ce depuis Bleu de Chanel.



C’est à ça que ressemble la parfumerie masculine depuis 20 ans. Du shampoing, du parfum asexué qui n’a de masculin que la catégorie dans laquelle on la vend. Du jus de frigo, du Head & Shoulders indélébile, pété de bois ambrés et empli de toute la stérilité que l’industrie peut produire.
Une des causes de l’essor de la niche ?
Les consommateurs de la niche grise (les clients du marché gris) sont à 90% des hommes (constat personnel, donc exact). La lassitude de la parfumerie mainstream est non seulement un résultat du manque de créativité, mais c’est aussi, pour le cas des parfums masculins, un manque de caractère et de cette virilité que l’homme recherche sans cesse. La parfumerie de niche émergente dans la rue a aussi trouvé son succès en répondant à cette demande. Les gamins qui s’arrachaient pour s’acheter les masculins iconiques de l’époque, Fahrenheit ou Déclaration, ont le même profil que ceux qui se tordent aujourd’hui pour avoir le luxe et le caractère. Même si la banane est en bout de caisse, c’est un fait indéniable. Le public masculin ne retrouve plus son âme dans le mainstream.
Et vous, comment vous voyez les parfums masculins d’aujourd’hui ?
Faites profiter le lecteur de votre expérience, lâchez un commentaire !
5 Commentaires
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L’auteur :

L’Ancien
Auteur / Animateur
Il est la voix lugubre de ce podcast, grande gueule qui aime à secouer l’industrie du parfum. Sur ces notes trempées à l’encre noire, on peut distinguer des listes de victimes enterrées de Paris à Oman. L’Ancien est celui que tu aimes détester, c’est cette note de cœur qui te dérange mais qui rend la composition si singulière.
La Parfumerie, La Saison 6 du Podcast Parfum
Tous les épisodes :
Un mot sur la concentration
La puissance olfactive monte, il fallait qu’on s’explique sur la concentration du parfum. Eau de Toilette, Eau de parfum ou Extrait, de quoi on parle ?
L’expérience client
Combien a-t-on acheté de flacons qu’on a fini par mettre de côté ? L’expérience client est extrêmement importante pour bien choisir…
Pour sentir l’homme, faut-il sentir la bête ? Jouant les avocates du diable, je pose la question : en quoi le cuir ou les senteurs de fauve seraient-ils plus masculins que l’odeur barbershop, dès lors qu’existent (ou qu’on existé) Shocking de Schiaparelli (miel sacrément animal), Bandit de Robert Piguet (cuir et fond de cendrier), La Nuit de Paco Rabanne (cuir et civette), dédiés aux femmes ? Ce qui ne veut pas dire que je ne sois pas d’accord sur le côté chétif de ce que le mainstream nous donne comme masculin aujourd’hui. J’ai toujours dit que ça sentait la peur… mais bien des féminins aussi.
Évidemment ! C’est justement plus le côté stérile de la prod actuelle qui interpèle. C’est pourquoi on dit « il n’a pas un homme mais des hommes, pas une femme mais des femmes ». Arf, La nuit de Paco, punaise encore un grand disparu !
On aurait d’ailleurs pu résumer l’épisode en une simple phrase : « le poison du mainstream aujourd’hui, c’est le marketing ». Tant il empêche de créer et de se renouveler.
C’est vrai que ces marqueurs type fougère, cuir et animal ont tendance à disparaitre, j’appelle ça les parfums de « bagarre » comme vous les avez bien cité (Kouros, Antaeus, Drakkar Noir…) j’aurais même aussi rajouté Bel Ami d’Hermes qui sent bien la baston 🙂 .
En revanche je trouve que du côté des femmes, il y a des parfums burnés comme le Black Orchid ou même La Panthere Elixir (merci pour la découverte). Dans la niche j’ai senti une nana qui portait Sella de Comporta, c’est violent! Un bon gros cuir animal vénère qui sent le cheval d’Attila après 6 mois de voyage.
La bagarre 😭😭😭 !