Ma passion première a toujours été l’écriture. Mon adolescence a subi un choc en découvrant les écrits de Franz Kafka. « La métamorphose » m’a entrainé dans une nouvelle manière de structurer mes textes. Je pense que cette façon de voir le monde et de décrypter les choses, de les décrire surtout, sous toutes leurs coutures, m’a orienté jusqu’à ma façon d’apprécier le parfum, de le porter.
Car même si je peux aimer certains grands mainstreams modernes à cause de leur technique criante, je ne peux pas porter ce qui semble mimer mon prochain. J’ai besoin d’être moi-même, me démarquer et surtout ressentir que je porte le sillage de mon âme.
Parfums d’obscurité
J’aime ressentir l’obscurité de récits comme « Le terrier » assombrir les abysses de mes flacons, qu’il s’agisse de Chyprés, de Cuirs ou de Boisés. J’aime la complexité des parfums, celle du qu’on retrouve dans « Le procès », qui m’interpelle dans sa projection. Une composition kafkaïenne qui m’étourdit par sa nature indescriptible, non pas inintelligible, mais bel et bien maîtrisée d’un intellect machiavélique.
La sombritude d’Eau Sauvage, qui est le parfum que je porte d’un geste réflexe, me montre qui je suis. Ce Chypre qui part forcément d’une fraîcheur d’agrumes, de Laurier, de Basilique, s’assombrit dans les méandres de la Mousse de Chêne et du Patchouli. Voilà tout ce que j’aime au final.
Mon amour pour La Panthère Édition Soir ne fait que suivre la même méthodologie criminelle : Beauté, finesse, noirceur. Bref, l’Ancien s’y noie et n’espère pas se réveiller.
Et puis, pourquoi me réveillerais-je ? Pour trouver plus sombre ? Le labyrinthe opaque que représente l’industrie du parfum n’est finalement que l’incarnation du « Poseidon » de Kafka. Des marques qui pensent que le futur leur appartient, alors que le talent se produit chaque jour, sous leurs yeux, sous leur nez, pouvant tout changer, mais auxquels elles ne veulent pas prêter attention, trop imbues de leurs réussites commerciales. La poudre d’or leur file entre les doigts.
Teintes de noirs
Je suis de ceux qui assignent des couleurs aux odeurs, il est donc normal d’apercevoir les tons que je préfère dans ma collection. Le noir, si représentatif des œuvres de Kafka est omniprésent chez moi. Celui d’un Cuir de l’Aigle Russe, d’un Plum Japonais ou d’un Tuscan Leather. Mais aussi le brun doré d’un Encens Suave ou d’un Patchouli Nosy Be, le violet foncé, profond, d’une Violette noircie d’un Violet Shot.
Le parfum révèle nos personnalités, si du moins on le soumet à nos âmes. Nous sommes dans une époque où l’on adapte le consommateur à la personnalité d’une senteur, pour ne pas avoir à en subir le contraire, commercialement. Mais métamorphoser les gens en cafards les fera mourir, et l’on ne pourra plus donc les exploiter.
Dans le noir
Au final, au regard de ce que devient lentement la parfumerie moderne, je me sens comme « l’artiste de la faim ». Je me prive de ces parfums populaires non pas pour paraître dans un podcast, non pas pour limiter les couleurs de mon sillage, mais bien parce que je ne trouve pas de senteurs qui me plaisent.
Je ne suis personne, ni un critique ni un influenceur. Juste un simple passionné qui dévore le parfum d’une manière qui lui est propre. Une fragrance ne fait vibrer l’âme uniquement si elle tombe sur celle qui allait réagir positivement. Combien de combinaisons mortes-nées en magasin ? Pour qu’un parfum touche sa cible, il faudra nombre d’essais, une multitude de passages. Je ne parle pas des fausses impressions d’avoir trouver sa signature. Cela peut prendre des années, le reste n’est que poudre aux yeux.
Pour ma part, je reste à tourner dans mon labyrinthe, suivant les murs dans le noir. Armé de patience, je me laisse porter par les effluves les plus sombres, vitales à ma survie.